tu ne devrais pas me répondre < ellen & heathcliff

 ❝ Bon, allez, on y va les gens. ❞ Ce n'était certainement pas la première fois qu'Heathcliff prononçait cette phrase depuis qu'il avait fermé le pub. Il ne restait que deux amis et un petit couple qu'il avait trouvé fort sympathique et n'avait pas voulu virer à la fermeture. Il n'était pas bien sûr, mais il pensait se souvenir d'avoir déjà annoncé son départ, il y avait bien une heure de cela. Il haussa les épaules. Qu'importait. Cette fois-ci, il avait été pris d'une motivation soudaine et avait coupé la musique qui tournait, à bas régime, en bruit de fond, avait essuyé le comptoir et les tables, rangé les chaises et lavé les verres de la soirée. Et c'est après avoir fini toutes ces menues tâches qu'il avait prononcé cette phrase. Il se leva, cherchant du regard ses clés, puis finit par les retrouver. Tout ce petit monde fut mis à la porte et il commença à s'en retourner chez lui. Il n'habitait pas très loin, à un pâté de maison à peu près, en une dizaine de minutes, il serait dans son lit... peut-être un peu plus, se dit-il en constatant qu'il venait de trébucher pour la troisième fois contre le trottoir. Il sourit, imaginant ce qu'on pourrait penser d'un cinquantenaire qui rentre en titubant. Peut-être penserait-on que c'est un raté ? Mais l'on pourrait tout aussi bien supposer qu'il vivait une perte très délicate, qui expliquait, sans l'excuser pour autant, son ébriété. Alors qu'il arrivait au bout de sa rue, il fut interpelé par une voix familière. L'écossais fit demi-tour aussi sec pour se retrouver nez à nez avec un groupe d'amis avec qui il n'avait pas festoyer depuis un paquet de jours... allez, huit, neuf jours peut-être. Il sourit et modifia son itinéraire afin qu'il comporte le lieu de beuverie où se rendaient ses compères.

Trois heures plus tard, le soleil pointait timidement son nez et le propriétaire du Glastone quittait l'un des rares lieux qui restait ouvert toute la nuit. Pour le coup, il n'avait vraiment plus les idées claires et une idée lui revenait sans cesse en tête. Cette fichue nana. Il soupira. Non, il ne l'appellerait pas. Il avait dit à Bartholomew que c'était terminé, que tout ceci n'avait été qu'un flirt malsain... il croyait même se souvenir l'avoir dit à Ellen. L'avait-il fait ? Si c'était le cas, il avait dû le faire bourré, car il ne pouvait l'assurer. Il était presque arrivé chez lui lorsqu'il se retrouva, son téléphone collé contre l'oreille, à écouter la sonnerie. Il était sept heures du matin, il n'y avait de toutes manières que très peu de chance qu'elle décroche... elle était comme lui, elle ne travaillait qu'en fin de journée et en soirée, pas de raison de se lever si tôt. Pourtant, la sonnerie se stoppa sans prévenir, annonçant qu'on venait de lui répondre. Un peu désorienté, il s'arrêta net. Il bouscula au passage une femme, du genre qui travaille dur pour gagner sa vie, voyez-vous, et qui ne veut pas qu'un flemmard et fêtard ne l'empêche d'aller accomplir son devoir envers le dieu moderne du travail. ❝ Je suis ivre. ❞ Énoncer cet état de fait, ça revenait à lui dire qu'il avait envie de la voir. Depuis qu'ils avaient commencé... peut importe ce que c'était... il ne l'avait appelé ou ne lui avait envoyé des messages que sous l'effet de l'alcool. Il ne fut pas sûr de la réponse qu'il reçut, mais enchaîna, sans attendre. ❝ Tu viens chez moi ? ❞ Il allait se faire rembarrer, il en était sûr. Quel connard appelait quelqu'un à sept heures du matin pour lui demander si abruptement de venir ?