It's the simplest of rituals to observe

Le shift d’Isaiah au bar changeait toutes les deux semaines. Mais ça ne dérangeait pas réellement son autre activité principale : qu’il tire les cartes un jeudi ou un vendredi ça ne changeait pas grand-chose pour lui. Les astres n’avaient pas d’horaires. L’inattendu était même préférable à la routine dans ce domaine-là.

Pas d’attirail spécifique cette fois-ci. Seulement ses cartes et lui. Il s’était installé devant le Scots’ monument, sur la verdure, là où devant lui des hordes de passants et de touristes passaient. Un grand manteau de laine qui le faisait ressembler à un mouton noir le gardait au chaud alors que le froid s’installait petit à petit. Devant lui se trouvait une vieille casquette qu’il ne mettait jamais et ne lui servait qu’à ramasser l’argent. Par moment, certaines personnes s’arrêtaient pour lui laisser une pièce et partaient aussi vite, le prenant sûrement pour une personne sans abri faisant la quête. C’était sans doute presque cela après tout. Il savait aussi pleinement que son physique de joli garçon l’aidait bien plus à attirer la sympathie que le vieil homme de l’autre côté de la rue. Par culpabilité, de temps en temps, il était allé le voir et lui avait donné quelque pièce ou était partit prendre deux cafés pour partager avec lui et discuter un peu.

Cette fois-ci, il n’était pas allé le voir et Il venait de tirer les cartes pour une vieille dame. D’ordinaire, tous se mettait à genoux ou resté debout, penchés maladroitement au-dessus de lui. Elle s’était assise à même le sol à côté de lui avec lenteur et elle l’avait regardé faire avec un léger sourire indiquant qu’elle ne croyait pas réellement aux cartes et profitait simplement de l’excuse pour parler à quelqu’un.  Malgré son jeune âge, Isaiah connaissait la solitude. Plus de famille, pas de coven. Il comprenait très bien qu’elle attrape la possibilité d’un peu de compagnie même si c’était autour de quelques mensonges de futur heureux. Alors il lui avait fait son plus beau sourire et avait tenté de lui prédire un avenir radieux. Elle avait un peu rit, mit un billet dans sa casquette et puis Isaiah s’était levé pour l’aider à se redresser. Il l’avait regardé partit, tout courbée mais d’un pas rapide puis lui s’était rassis lentement, à même le sol.

Il rassemblait à présent ses cartes pensant qu’il aurait bientôt à les changer car elles se faisaient usées à être utilisée si souvent. Il retourna celle du pendu pour observer le coin en haut à droite, plié et froissé. Certaines étaient cornées, d’autres étaient carrément déchirées par endroit. Isaiah ne courrait pas sur l’or et était légèrement sentimental. Il avait gardé le même paquet depuis qu’il avait quitté le domaine familial. Ces cartes le rassuraient bien plus qu’un paquet tout neuf et impersonnel, sans histoire.

Le Scott’s monument était un endroit généralement plutôt bondé car touristique, un bon spot pour prédire l’avenir à quelques personnes de bonne humeur après avoir pris une dizaine de photo du haut de la tour. Mais ce soir-là était plutôt tranquille, pour ne pas dire désert et ennuyeux. Un certain nombre de personne passait, mais trop loin pour qu’Isaiah puisse les appeler ou leur montrer qu’il était là. Retenir le regard de l’autre était tout un art. Être suffisamment voyant sans être trop gênant dans l’axe de vision. Il fallait pouvoir se montrer, mais ne pas être trop persistant car autrement cela faisait fuir les potentiels clients.  

Il finissait de réunir son paquet de cartes en un tas aussi uniforme que possible lorsqu’il vit quelqu’un se rapprocher de lui pour, sans doute, passer sans un regard et continuer son chemin. C’était un homme plutôt grand, à l’expression renfermée, mais ça n’arrêtait pas Isaiah. Beaucoup portait un masque lorsqu’ils étaient seuls dehors afin de se protéger des intrusions. Certains naissaient et vivaient sombres et tristes. Mais il n’y avait que très peu de moyen de savoir quel genre était la personne qui passait devant Isaiah et ses cartes. Le plus efficace était toujours de les appeler.

« Monsieur, vous voulez connaître votre futur ? », il accompagna son accroche d’un sourire … de ceux que beaucoup trouvait charmant et aimable.