le silence des agneaux. (dante)

DANTE & MISHA

❝ le silence des agneaux ❞

Le sang chaud coule dans sa gorge, faisant rugir le démon au creux de son estomac. Il a un goût presque sucré sur sa langue, frais comme cette jeune femme gigotant entre ses bras. Le corps tremble, quelques plaintes de douleur écorchent ses oreilles, elle sent les larmes, elle les entend qui glissent sur la peau diaphane jusque dans les cheveux. Elle avait suivi cette beauté stellaire dans le dédale des rues de la ville, telle une ombre. Elle l’avait observée, étudiée. Elle était devenue l’animal qu’on traque, la proie que l’on chasse. Et Misha avait senti la bête gronder en elle, le désir puissant de la possession courant dans ses veines sèches. La soif avait guidé ses mouvements, souples et silencieux ; les battements réguliers du cœur encore vivant avait accompagné la danse de son corps glacé. Et puis tout était allé très vite, elle avait fondu sur cette inconnue, toutes dents dehors, et elle avait senti la peau se déchirer sous ses crocs acérés tandis qu’elle étouffait le hurlement de peur mêlée de douleur d’une main de fer. C’était comme tomber dans un tourbillon qui ne s’arrêtait jamais. C’était comme être emporté par une fièvre si intense que la réalité s’effaçait petit à petit derrière un voile si opaque sue l’on avait l’impression que plus rien d’autre n’existait. Plus rien à part ce corps qui se refroidit, plus rien à part le cœur qui ralentit. Et le plaisir, la jouissance de sentir la vie passer à travers ses lèvres, emplissant son corps. Véritable junkie, l’angoisse et la souffrance de sa victime avaient fait grimper l’adrénaline. C’était comme se sentir vivante à nouveau. Plus tard, elle pensera à Dante et à ses airs de reproche, elle pensera à Saül qui essaiera une nouvelle fois de lui faire comprendre que ça ne marchera pas toujours ainsi. Elle pensera à cette pauvre femme qu’elle ne connaît pas et qu’elle aura tuée sans remord. Elle pensera à la culpabilité qu’elle devrait ressentir, à la honte d’avoir attaqué une innocente. Elle avait peut-être une famille, un petit-ami. Elle avait sûrement des gens qui l’aimaient. Mais elle l’a tuée quand même, sans réfléchir à tout ça. Sans penser aux conséquences, comme à chaque fois. « Pitié. » Mais les oreilles de Misha bourdonnent trop de plaisir et elle n’entend rien. Elle ne veut pas entendre. Elle ne veut pas se mettre à lui parler, à découvrir l’âme derrière le corps. Ça rendrait les choses plus compliquées. C’est seulement lorsque ses sens s’affolent, comme des hurlements à l’intérieur de son être, qu’elle se tend et se redresse, prête à bondir hors de portée. Et elle voit la silhouette familière, goûte l’odeur qu’elle reconnaît sans mal. « Daddy ? elle miaule avec un sourire d’enfant, les lèvres encore tachées de sang. » Elle a l’air de quoi avec sa tenue froissée, ses cheveux désordonnés, sa bouche ensanglantée ? Petite sauvageonne. « Tu ne devrais pas être à la maison avec Saül ? demande-t-elle d’une voix plus claire en se rapprochant de son créateur, abandonnant le corps à moitié mort, gisant sur le bitume froid. Je suis contente de te voir. »