Dans les rues, on déambule. On marche, on se promène, on se perd. C’est exactement ça, on se perd. On suit nos pensées futiles, nos fantasmes, on s’égare. Je me suis perdu dans des pensées outrancières, des situations toutes plus alambiquées les unes que les autres. Des situations où deux hommes se rencontrent, au pied d’un immeuble, dans l’ascenseur, ou sur le palier de nos appartements. Deux hommes qui se regardent, se sourient et puis osent enfin s’adresser un mot. La conversation s’enclenche, le rapprochement se fait tout naturellement. Et puis on s’égare. Les idées s’évaporent en un fantasme qui ne mérite pas d’être énoncé au risque de voir le sang aux joues affluer. Mais l’imagination carbure. Elle prend le dessus. Et puis dehors la nuit tombe et nous sommes toujours dehors.
La nuit qui tombe et les ombres qui s’installent. Quand je m’en rends compte, il est déjà trop tard et la maison est trop loin, et ces journées qui raccourcissent. Encore et encore. Décidemment l’hiver est toujours beaucoup trop long. Tout de suite, mon humeur est moins légère. Je n’aime pas me balader la nuit. Je n’aime pas quand le soleil se couche, non pas que la lune soit mauvaise, mais ses adeptes le sont. La nuit est dangereuse, pour moi, un peu. Pour Erin encore plus. Le sang de sorcière qui coule dans ses veines la cible, proie facile. Erin travaille dur sur ses boucliers, et la verveine ne la quitte jamais. Mais le risque est toujours là, tapit dans les ruelles.
Je presse le pas. Pas trop. Je ne fais qu’allonger mes foulées. Avec des jambes comme les miennes, la chose est aisée. Me perdre n’aura pas été la meilleure idée du siècle, n’osant emprunter les raccourcis peu éclairés. Il est temps de rentrer. Les monstres rôdent.
Alors mon esprit s’accroche à ce qu’il y a de bon, faisant passer ce trajet pour plus court qu’il ne l’est. Luke. C’est quelque chose de bon. Quelque chose de détruit, mais de bon à l’intérieur. Je cherche. Sans trop oser. Les bords de ses cauchemars, rien que de les effleurer, mon corps en frissonne et la douleur me frappe en plein cœur. Il faut faire obstacle à tout ça et traverser le plus dur pour avancer plus loin et trouver l’œil du cyclone. Ce havre de paix dont je pourrais me servir pour calmer la tempête. Il n’y a que ça à faire. Mais c’est dur, épuisant. Et ça ne se fait pas d’instinct. Il faut une certaine intimité pour entrer au cœur des rêves les plus sombres d’une personne. Et l’implication émotionnelle rend naturellement les choses plus difficiles.
Un bruit bientôt, me fait m’arrêter et lever les yeux au ciel, vers la nuit noire. Il y a quelque chose dans l’air qui me souffle que je ne suis plus vraiment seul. Et mon cœur accélère. Il est temps de rentrer.
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