EVENT 3 ✝ Burns Night

among the unknown ✩ Encore un bal masqué, s’était dit Cináed. Les soirées mondaines n’étaient déjà pas de ses favorites mais la dernière à laquelle il avait participé – pour des besoins professionnels dirons-nous – ne s’était pas passée aussi bien qu’il l’avait prévu. Il se souvenait du sentiment de soulagement qui l’avait envahi sitôt qu’il avait poussé la porte de chez lui, se promettant intérieurement de ne plus utiliser ce maudit masque. Athena O’Malley, une suprême connue des archivistes, en avait pourtant décidé autrement et prévoyait de réunir tout le gratin d’Édimbourg au sein de la National Gallery, le temps d’une soirée. Au moins, McIntyre était sur un terrain connu puisqu’il écumait les longs couloirs et les recoins de la galerie depuis des années en tant que conservateur. Il savait où il fallait se réfugier en cas de trouble et où il pouvait tendre l’oreille sans risquer de se faire prendre. Au moment où il se présenta aux ouvreurs, l’un d’entre eux lui désigna la grande salle de bal principale, tout en prenant soin d’éviter de lui montrer discrètement la porte entrouverte qui attirait les regards à l’entrée. Nul doute que la sorcière, aussi héritière de la DYAD, avait pensé à ses hôtes plus ou moins assoiffés. Cette pensée lui arracha un désagréable frisson – qui aimait être parmi des tueurs en puissance, des races qui avaient des conflits d’intérêts depuis quelques temps ? Certainement pas lui. L’homme laissa son regard traîner sur des silhouettes plus ou moins familières malgré leur visage masqué. Il était à la recherche de potentielles âmes sympathiques, mais aussi de personnes dont il devait se méfier. Son cerveau continuait inlassablement de travailler : déceler les codes sociaux entre créatures, distinguer les regards appuyés, les regards fuyants...  Être l’archiviste, toujours. Pour l’instant, il se retrouvait perdu au milieu d’une centaine de personne et choisit d’accoster un serveur pour prendre une flûte de champagne et surtout deux canapés qu’il enfourna aussitôt dans sa bouche. Que quelqu’un lui vienne en aide, avant que sa patience ne soit plus longtemps éprouvée.

Le collier en argent tomba au sol dans un léger tintement. Charly fixa ses doigts rougis sans réagir. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait, ce qui ne faisait que rallonger la liste des choses qui n'allaient pas bien chez elle en ce moment. Elle secoua la tête, elle devait se faire des idées, ça ne pouvait qu'être ça. Mais alors qu'elle se baissait pour ramasser le bijou une vive sensation de brûlure lui mordit les doigts, la forçant à lâcher l'objet sur le premier meuble venu. Un juron étouffé franchit la barrière de ses lèvres. Depuis quelques jours, elle ne supportait plus le contact des bijoux en argent et elle avait dû se séparer du pendentif qu'elle n'avait pourtant pas quitté depuis ses dix ans. Après un dernier coup d’œil en direction du collier incriminé, elle décida de ne plus se prendre la tête sur cette question, elle avait certainement développé une allergie à l'argent, c'était aussi simple que ça. Elle avait bien assez de choses en tête depuis son agression, et en particulier ce soir. Max l'avait invité à la rejoindre à la Burns night, une soirée masquée donnée en l'honneur du poète du même nom et surtout organisée par la célèbre héritière du plus grand investisseur de l'institut DYAD Athéna O'Malley. Autant dire que cette soirée regrouperait tout le gratin d’Édimbourg. Et que Charly se demandait ce qui lui avait pris d'accepter la proposition de Max. Si elle aimait passer du temps avec sa meilleure amie et ne disait jamais non à une petite fête, elle n'était pas habituée à ce genre de soirée mondaine et elle n'était pas sûre d'y être très à l'aise. Mais elle ne pouvait plus reculer maintenant. Surtout qu'elle venait d'enfiler la longue robe beige qu'elle avait choisie pour l'occasion et qu'elle avait hâte de voir la réaction de Max. Ce n'était pas vraiment le genre de tenues auxquelles elle était habituée, mais quelque chose lui disait que l'entrée de la soirée lui serait refusée si elle venait vêtue d'une de ses petites robes habituelles. Alors elle avait sorti le grand jeu et personne n'avait besoin de savoir que cette tenue ne lui avait coûté presque rien. Distraitement, elle termina d'attacher ses cheveux à l'aide d'épingles et enfila ses chaussures à talons avant de quitter son studio, elle ne voulait pas faire attendre Max.

Arrivée sur le lieu de la Burns night elle se dirigea non loin de la porte pour essayer de repérer son amie dans la foule. Mais celle-ci fut plus rapide qu'elle. « Hey Sweetie ! Tu es somptueuse ce soir ! Prête pour faire la fête ? » Un grand sourire étira les lèvres de l'étudiante, avec Max à ses côtés, elle se sentait tout de suite plus détendu et sûre d'elle. Le caractère joyeux de sa meilleure amie avait cet effet-là sûr elle. « Adorable ET canon, t'as tout pour toi mon chou. » Lui lança-t-elle avec sincérité. Dans sa robe noire Max allait en faire tourner des têtes. Elle imita son amie et plaça sur ses traits le loup noir qu'elle avait apporté pour l'occasion. Les mains jointes, elles se mêlèrent à la foule pour entrer dans la grande salle de réception. Charly lança des regards autour d'elle, à la fois nerveuse et excitée d'être là. Elle n'avait pas souvent l'occasion de se rendre à des évènements aussi mondains -qui voudrait inviter une simple étudiante après tout- et elle appréciait l'opportunité que lui avait offert Max, même si elle redoutait de ne connaître que peu de personnes sur les lieux. Reportant son attention sur son amie, la jeune femme accepta le verre que celle-ci lui tendait, elle qui était habituellement calme et posée sentait qu'elle avait bien besoin de se détendre. « Je propose de trinquer à nous, Sweetie. » Avec un sourire complice Charly fit tinter sa coupe de champagne contre celle de Max. « A nous ! » Lui répondit-elle avant de porter le verre à ses lèvres. « On est sensé faire quoi au juste ? Je suis pas sûre que les gens aient la même idée d'une fête que nous. » Souffla-t-elle en laissant ses ongles tinter contre son verre. Face à une des fêtes étudiantes auxquelles les deux jeunes femmes étaient habituées cette soirée n'avait rien à voir. Éparpillés dans la salle, les invités discutaient par petits groupes ou admiraient les œuvres d'art exposées aux murs, certains avaient même entamé une valse. Rien qui ne mettait vraiment Charly à l'aise. « Tu crois que si je m'improvise critique d'art ça passera ? » Ajouta-t-elle avec un petit rire. Au fonds, elle savait qu'elle était bien trop timide pour se lancer dans ce genre de numéro, mais l'idée l'amusait. Peut-être que si elle avait un peu plus de confiance en elle -et de culot- elle en aurait été capable. « Je crois que tu lui plais Sweetie » Avalant une nouvelle gorgée de champagne, Charly suivit le regard de Max vers un serveur qui passait non loin d'elles en leur lançant un regard peu discret, mais plutôt flatteur. « C'est vrai qu'il est plutôt pas mal dans son genre. » Avoua-t-elle bien volontiers dans un sourire. Mais elle n'eut pas le temps de continuer sur ce sujet prometteur que déjà, une silhouette s'était approchée d'elles. Charly n'eut pas besoin de longtemps pour reconnaître Matthew, mais elle resta bouche bée en le voyant lui adresser un simple signe de tête avant de se tourner vers Max. Elle n'était pas si méconnaissable que ça tout de même, si ? C'était vrai qu'avec sa chevelure flamboyante, il était plus aisé de repérer Max, mais tout de même. « Et pourquoi ça ne m’étonne même pas que tu sois au bar ? » Ravalant sa fierté malmenée, Charly se tourna vers lui. « Ça te va bien de dire ça Matt. » Lança-t-elle d'un ton espiègle, car malgré tout, elle ne pouvait pas lui en vouloir. Et elle pouvait toujours lui laisser une chance de s'expliquer. Ça pouvait être drôle. « Soit tu me snobes, soit ton verre de champagne te fait déjà voir flou. » Ajouta-t-elle en désignant le verre que Matthew tenait à la main. Il pouvait toujours jouer les moralisateurs, avec une boisson à la main, il paraissait tout de suite moins sérieux. « Et n'essaye pas de me faire croire que c'est à cause du masque, il va te falloir une meilleure excuse que ça. » Elle laissa un léger rire s'échapper de ses lèvres pour lui montrer qu'elle plaisantait. Cependant, celui-ci s’éteint bien vite lorsqu'une nouvelle silhouette les rejoint. Sampsa. Bien sûr, elle devait absolument tomber sur l'écrivain le plus désagréable de tout Édimbourg. Elle se renfrogna en le voyant l'ignorer ostensiblement. « Je vois que ton agent ne t'a toujours pas recommandé d'apprendre la politesse. » Elle leva les yeux au ciel, se retenant tout juste de faire la grimace en voyant le blond adresser un clin d’œil à Max. Depuis quand ils se connaissaient ces deux-là ? Rapidement, elle lança un nouvel coup d’œil autour d'elle, espérant tomber sur un visage plus amical que celui du blond.

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