Une nouvelle affaire [Pv Moira]

Une nouvelle affaire

La dernière affaire pour laquelle on avait fait appel à moi s'était couronnée de succès. Des bijoux volés, rien de très compliqué. Il m'avait suffi de remonter la piste, pas besoin d'une enquête en profondeur. Simple comme bonjour. Et la paie avait été généreuse.

Dans le journal, un petit carré pour raconter mes exploits. Suffisamment court pour que je puisse le lire de bout en bout sans que mon attention ne dérive, c'était juste ce qu'il fallait. Je n'en demandais pas plus. C'était un peu de publicité gratuite, de quoi attirer d'autres clients pour payer le loyer et tout ce qui constituait mon quotidien.

Aujourd'hui, c'était repos. Principalement parce qu'il fallait que je me remette de la cuite de la veille. Punaise... Je n'y étais pas allé de main morte. A dire vrai, j'ai du mal à me rappeler des événements de la veille. Je crois que je me suis retrouvé avec une perruque blonde, à un moment... Mon portefeuille avait l'air relativement intact, heureusement. C'aurait pu être pire.

La matinée avait principalement été constituée d'allers et retours entre les toilettes et le canapé de mon salon. Je déversais le contenu de mon estomac, un petit coup d'eau sur le visage, et retour au canapé pour comater devant la télévision. Dingue comme les programmes de shopping peuvent avoir l'air passionnants, dans ces moments-là...

Je me sentais complètement concerné par le destin de Gretchen et sur la manière dont le traitement Thinquick allait bouleverser sa vie. Quinze kilos en un mois... Impressionnant... Tout ça grâce à Thinquick ? Vraiment ?

Un bâillement m'échappa, tandis que mon ventre faisait entendre sa souffrance par des gargouillis gutturaux. J'allais probablement retourner en courant aux toilettes sous peu... Bah, qu'importe, j'avais eu connaissance du destin fabuleux de Gretchen. Grâce à Thinquick, elle avait retrouvé confiance en elle. Merveilleux.

La sonnerie stridente de la porte de mon appartement retentit. Je laissais échapper un grognement sauvage, mes mains se pressant contre mon pauvre crâne. Merde... On peut pas cuver en paix, dans cette ville ?

C'était peut-être un client... Ou une cliente, si j'en jugeais à son odeur. Une senteur féminine, à n'en pas douter. Un autre bâillement s'extirpa de ma gorge. Allez, du courage... Ce serait sûrement vite fait...

Je m'arrêtais brièvement au lavabo pour me rafraîchir un minimum, paraître un peu plus présentable. Puis j'allais ouvrir la porte, invitant ma nouvelle cliente à entrer :

"B'jour. Faites pas attention au bordel, j'ai pas eu le temps de ranger."

Le temps ou l'envie... Des chaussettes par-ci, un vieux jean par-là, quelques cadavres de bouteilles, un oreiller défoncé après un accès de colère... Bref, un joyeux bordel. Chez moi. C'était si bon à dire : Chez moi. Je tirais une chaise pour elle, la recevant dans la cuisine. Je n'avais pas vraiment la place pour un bureau, en vérité.

Un hoquet me secoua brièvement avant que je ne retrouve le contrôle de mon corps. Pas le moment de flancher. Ca ne ferait pas très pro... Massant mes tempes pour chasser ma migraine, je marmonnais d'une voix rauque :

"Détective Clyde Moreau, à vot' service. Qu'est-ce qui vous amène ici ?"

Pourvu que ce soit une affaire facile... Un chat à retrouver, un truc du genre... Quelque chose qui serait réglé en deux temps, trois mouvements. Je n'avais qu'une envie : retourner me réfugier sur le canapé et attendre que les effets persistants de l'alcool se dissipent.

La soirée avait peut-être été géniale, mais le lendemain... C'était l'horreur. Enfin, il valait mieux ça que de dormir et d'affronter mes cauchemars. Trop angoissant. Trop suffoquant. Trop... Trop tout, en fait.

Le son de la télévision parvenait encore à mes oreilles. Grommelant, je filais l'éteindre, avant de retourner à ma place, plantant mon regard dans celui de la demoiselle. J'avais l'attention volatile, il valait mieux que rien ne puisse me distraire. Concentré, je pourrais mettre terme à cette affaire bien plus rapidement.

"Vous avez bien fait d'faire appel à moi. Vous pouvez compter sur ma discrétion, mon silence... 'fin, ce genre d'trucs, quoi. Pour peu que vous m'payiez correctement, bien sûr."

Un sourire presque carnassier prit place sur mon visage. L'argent, c'était ce qui faisait tourner ce monde. Un moyen de dominer, de vivre selon ses désirs... Je n'allais certainement pas m'en priver ou me montrer bêtement généreux à ce sujet.