Not all heroes wear capes ✞ Gabi & sky

Au milieu des rues bondées d’Edinburgh l’asiatique tente de se frayer un chemin. La foule est compacte l’odeur de bière se mêle à la fumée de cigarette, à la sueur et au bruit assourdissant de la musique sortant des pubs noirs de monde. Les étudiants sont de sortie ce soir. Certains sont déjà ivres alors qu’il n’est que dix-neuf heures.  Elle lui semble bien lointaine, sa jeunesse. L’époque où il sortait avec les autres adolescents pour se prendre une cuite. Où sont Jack, Mary, John et les autres aujourd’hui, vingt-cinq ans plus tard ? Il n’en a pas la moindre idée. Ils se sont sans doute rangés pour la plupart. Peut-être ont-ils eu le bonheur d’être devenus parents, de fonder une famille et un ménage heureux.

Il y croyait aussi, naïvement. Il croyait qu’il aurait le droit à ce bonheur, qu’il aurait des enfants avec Elizabeth. Seulement, le bon dieu ne leur en a pas laissé le temps. Ils ont pu passer quatre ans ensemble. Les quatre plus belles années de sa vie, hormis les cinq derniers mois de leur union. Dieu avait un autre plan pour Gabriel. S’il l’avait fait venir sur terre, c’était pour accomplir une véritable croisade contre les forces obscures. Pas pour être heureux. Quand on est un soldat du tout puissant, on n’a pas le droit au bonheur. Un gamin d’une vingtaine d’année passablement ivre mort le bouscule, avant de s’excuser en riant bêtement. Levant les yeux passablement exaspéré, le tatoué continue à chercher un pub relativement calme.

Il n’a pas forcément très envie d’avoir l’air d’être le père de tous les autres clients. La musique électro ou les remix des chansons du top cinquante, très peu pour lui également. Il lui faut aussi une place assise, avec de préférence une table pour pouvoir y dessiner quelques croquis, qui finiront sur la peau de ses clients. Les pubs passant de la musique rock, ou même quelque chose de beaucoup plus agressif comme du punk et du metal se font rares. Autrefois, ce n’était pas aussi dur de trouver un établissement qui convenait à ses attentes pour une soirée de débauche. Il lui était même déjà arrivé d’aller jouer dans des bars crasseux avec divers groupes de musiques, toujours éphémères.  Du punk, du rock, du grunge, du metal, de la pop même. Lui et sa guitare électrique s’étaient essayés à tous les genres depuis ses quinze ans.

Un type avec le visage caché par une capuche court à contre-sens de la foule, serrant contre lui un sac à main qui ne lui appartient surement pas. Personne ne fait rien pour l’arrêter. Pas un seul policier en vue. Les jeunes gens stupéfaits se contentent de s’écarter pour ne pas se faire bousculer. Grognant en se rappelant le huitième commandement, voilà que l’homme s’empresse de barrer le chemin au malfrat. Tombant à la renverse avec ce dernier, tirant sur le sac à main pour le restituer à la police ou peut être bien à sa propriétaire en mains propres s’il la retrouvait, voilà que le brun vocifère avec une rage peu commune un passage de la sainte bible :

« Que celui qui dérobait ne dérobe plus, mais plutôt qu'il travaille en faisant de ses propres mains ce qui est bon, afin qu'il ait de quoi donner à celui qui est dans le besoin ! Éphésiens 4:28 FILS DE PUTE ! C’EST CA COURS PAUVRE CONNARD ! »

Epoussetant son jean tout en se relevant pendant que l’autre reprenait la fuite, le bon catholique qu’il est part à la recherche d’une quelconque pièce d’identité à l’intérieur. Skyla Mikkelsen, 24 ans, jolie jeune femme blonde. La maroquinerie est de bonne qualité. Levant les yeux pour chercher la jeune femme qui serait encore potentiellement à la poursuite de son agresseur, voilà que le chasseur esquisse un sourire en la voyant au loin. Levant le bras pour lui faire signe, Gabriel s’approche d’elle d’un pas tranquille, lui tendant son sac à main ainsi que son portefeuille.

« C’est à vous il me semble. Vous allez bien ? »

Une soirée de libre, enfin. Ce soir ce serait une soirée rien que pour moi et j'avais bien l'intention de ne rien faire d'autre que de rentrer chez moi, me faire couler un bain, me servir un bon verre et m'allonger devant un film naze pour lequel aucun de mes neurones ne serait sur-sollicité, ou peut-être essayer de me plonger dans l'un des bouquin que Lysandra me conseillait depuis des semaines. J'étais partie un peu plus tard que d'habitude et vu l'allure à laquelle la voiture avançait, ou n'avançait pas…, je devais me rendre à l'évidence, vu le monde je finirai à pieds. Je proposais donc à mon chauffeur de me déposer au coin de la rue suivante et de profiter de sa journée du lendemain. Le lendemain je n'avais à faire que quelques petites choses, facilement réglables depuis mon bureau du centre ville, je n'avais donc pas besoin de ses services. Claquant la porte et le laissant s'en aller, je plongeais ma main dans mon sac pour en tirer mon paquet de clope, m'en collant une entre les lèvres, y boutant rapidement le feu avant d'aspirer une grande bouffée salvatrice qui vint tapisser mes poumons. Je ne marche plus de cinq minutes parmi la foule avant de me faire bousculer et sentir qu'on prend la fuite avec mon sac. J'ai beau lâcher ma clope et réagir à la seconde pour tenter de le suivre, en talons hauts ce n'est pas ce qui est le plus pratique, la foule ne semble pas vouloir m'aider et ce con va disparaitre avec mon sac. J'ai presque envie de gueuler que j'offre au moins cinquante livres à celui qui aurait la bonne idée de l'arrêter, mais mon portefeuille se trouve dans mon sac, qui s'éloigne de plus en plus … Je suis sur le point d'abandonner ma course folle quand je vois le voleur, ou plutôt je ne le vois plus, se faisant faucher en plein vol par un passant. Quand je vois l'homme se relever il prend ses jambes à son cou mais sans mon sac sous le bras ce qui me laisse un espoir sur le fait de pouvoir le retrouver lui et son contenu. A grandes enjambées, enfin grandes, le plus grand que mes jambes perchées sur mes talons hauts me le permettent, je fonds dur mon chevalier servant qui n'en a  pas par contre la dégaine. C'est quelques peu essoufflés que je récupère mon sac qu'il me tend. "Merci Infiniment !! C'est à vous que je devrais demander ça ! Superbe réception d'ailleurs, je l'aurais bien courser encore un peu pour lui mettre ma main en pleine face mais j'avoue que j'avais pas les chaussures adaptées !" Machinalement je jette un coup d'œil dans mon sac pour vérifier son contenu qui par miracle est au complet. Perdre les clés du bureau ou des entrepôts du port, surtout après un cambriolage, je pense qu'on aurait pu me mettre en arrêt de travail pour crise de nerfs, ou meurtre… Un sourire de satisfaction sur les lèvres je ne peux m'empêcher de remercier mon bienfaiteur une nouvelle fois, puis désignant l'un des pubs en face de nous j'enchaine. "J'ai envie d'une bière là … la moindre des choses c'est que je vous en offre une, vous m'accompagnez ?"

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Aides ton prochain, dieu te le rendras. Les bouddhistes appelaient ça le Karma. Tenter de mener une existence pieuse, et de faire le bien autant que possible durant son passage sur terre. Accéder au Paradis après avoir servi dieu en tant que soldat. Voilà ce que voulait Gabriel, monter aux cieux en laissant son corps pourrir dans la terre, pour y retrouver les siens, et tout particulièrement sa très chère Elizabeth avec qui il pourrait enfin être heureux dans une seconde vie. Et cette fois-ci, ce sera pour l’éternité, pas quatre misérables années. En réceptionnant le sac de cette demoiselle en détresse perchée sur des talons hauts, il venait d’accomplir sa bonne action du jour, tel un scout aidant une vieille dame à traverser la route ou à porter ses commissions. Surpris qu’elle veuille le remercier en lui offrant une bière, voilà qu’il hausse les épaules

« C’est très gentil à vous, merci. Il y a un pub sympa dans la ruelle de gauche normalement, si ça vous dit. »

Engageant la marche en prenant gare de ne pas se hâter d’un pas trop vite pour que la blonde puisse suivre avec de telles échasses aux pieds, voilà qu’il esquisse un sourire. Se présenter était la moindre des choses. C’était de la simple politesse de base et puisqu’il n’avait pas été élevé par des bêtes Gabriel, bien qu’il soit capable de lâcher des jurons ignobles, n’en demeurait pas moins très poli :

« Au fait, moi c’est Gabriel. C’est très original comme prénom, Skyla. C’est étranger ? »

La question pouvait sembler quelque peu étrange, lorsqu’on se fiait à son ethnie. Le teint doré, les yeux bridés. Pas très britannique à première vue. Et pourtant… Malgré son patrimoine génétique qui disait le contraire, le tatoué se considérais comme écossais avant tout. Peu importe, qu’il ait une couleur de peau différente de la majorité. Beaucoup étaient surpris d’ailleurs, lorsqu’il se présentait. Egalement en entendant son fort accent écossais. Poussant la porte du pub pour laisser entrer la demoiselle, tous les deux allèrent s’installer à une table. L’ambiance était plutôt calme, ce qui convenait parfaitement au quadragénaire qui avec le temps avait tendance à préférer ce genre d’ambiance à celle plus survoltée des night clubs. Retirant son blouson pour se mettre à l’aise, remontant également les manches de son pull-over pour dévoiler ses tatouages, le héros d’un soir esquisse un sourire réconfortant :

« Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas un voyou. Je suis artiste. Artiste tatoueur à vrai dire, ça explique pourquoi j’ai autant d’encre sur la peau. »

Il savait que son allure pouvait en surprendre plus d’un, voire choquer quelque peu les plus conservateurs. Mais avant d’être un chasseur, il était avant tout un artiste. Et ses œuvres, plutôt que de les peindre sur une toile, il avait préféré les encrer à jamais dans la peau des gens. S’il n’avait pas eu un métier aussi artistique, il n’aurait sans doute pas autant de tatouages aujourd’hui. C’est dur d’être banquier quand on est encré du cou jusqu’aux doigts.

Il ne mit pas longtemps à accepter ma proposition, et ça me permettait de pouvoir aller boire une bière avant de rentrer, et même si je n’étais jamais la dernière pour sortir, même seule,  j’étais tout de même le genre de jeune femme à préférer avoir de la compagnie. Je lui emboitais le pas pour le suivre dans la ruelle qu’il m’indiqua. Acquiesçant d’un simple signe de tête et d’un léger sourire que oui, oui, pour moi cela me convenait. Je marchais à se côtés et le vis sourire en baissant un court instant le regard sur mes pieds. "Ho que oui … c’est tout un art de marcher avec ce genre de chose, on nous voit déambuler avec plus ou moins d’aisance mais c’est des années de pratique et de souffrance …" J’éclatais de rire parce que j’étais la première à me foutre des filles qui se tordaient les chevillent alors que j’avais la chance d’avoir appris à marcher sur des talons dès le début de mon adolescence. C’était bien une chose que je pouvais reconnaitre à ma mère, c’est de n’avoir jamais jouer les rabat-joie lorsque, petite déjà je faisais des emprunts dans sa garde-robe. Après tout j’étais la fille unique, la petite princesse de ses parents qui avait toujours eu ce qu’elle voulait. Alors que nous marchons en direction du pub il se lance dans les présentations, enfin il connait déjà mon prénom ayant pris la liberté de fouiller dans mon sac pour y trouver une pièce d’identité.  J’esquissais un sourire en entendant son prénom, de premier abord il je serait peut-être attendu à un prénom un rien plus exotique, mais je n’étais pas du genre à juger les prénoms et les origines des gens. "Et bien enchantée de vous rencontrer Gabriel… Je ne sais pas trop d’où vient Skyla à vrai dire … je crois que chaque fois que j’ai demandé à mes parent j’ai eu une explication différente … Mais je suis à moitié Norvégienne et à moitié Anglaise  quant à savoir si Skyla est purement norvégien ou anglais … je crois que je ne le saurais jamais réellement et j’aime ça ! Arrivés devant le pub, il me tient la porte, je crois que c’est dans ce genre de geste que je pouvais sentir qu’il était plus âgé que moi. Rapidement nous trouvons une table libre, et vu les heures j’en suis assez surprise, je ne connaissais pas encore cet endroit mais il est clair que j’allais retenir l’adresse. Je ne du pas être très discrète dans le regard que je posais sur ses bras lorsqu’il retira son blouson révélant une peau presque entièrement encrée, difficile de déceler une parcelle de peau libre. Comme pour me rassurer il enchaîna pour me dire qu’il n’avait rien d’un oiseau de mauvaise augure, qu’il était juste un artiste, un tatoueur. "Je ne m’inquiète pas du tout, je trouve ça fascinant en fait … je viens d’une famille un peu trop conservatrice je pense que c’est pour ça que je n’ai pas sauter le pas. Mais j’ai une amie qui en est de plus en plus recouverte et je trouve ça juste superbe… Je vais nous chercher à boire et ensuite on pourra faire plus ample connaissance, va pour une bière ?" Je me levais et me dirigeais vers le comptoir à reculons attendant l’approbation de Gabriel, je ne sais pas pourquoi mais quelque chose me disait que discuter avec lui pouvait être intéressant, le remercierai presque le destin de l’avoir mis sur mon chemin cet homme là … presque parce que j’ai découvert qu’il … rien n’arrive jamais vraiment par hasard.

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La Norvège ? Gabriel ne connaissait pas du tout ce pays. Tout ce qu'il savait, c'était que c'était bien plus au Nord que l'écosse, qu'on y parlait Norvégien. La capitale ? Oslo très probablement, ou peut être bien que c'était Stockholm ? L'une ou l'autre, il était incapable de s'en souvenir. Mais avec de telles origines Nordiques, le physique de la demoiselle semblait plus cohérent : avec ses cheveux blonds et sa peau pâle, c'était logique qu'elle soit à demi Norvégienne.

Va pour une bière. Hochant la tête pour lui signifie qu'il était d'accord, l'asiatique profite que la demoiselle soit distraite pour mieux cacher son arme à feu dans la doublure de sa veste. Il serait fâcheux qu'elle tombe dessus. Adressant un sourire poli à con retour, voilà qu'il trinque avec elle avant de prendre une première gorgée du liquide ambré. S'il s'écoutait, il finirait la peinte en une seule fois. Mais il valait sans doute mieux éviter ce genre de comportement devant une jeune femme que l'on ne connaît qu'à peine. Quelle âge avait-elle d'ailleurs ? Sans doute la vingtaine. Il avait sans doute presque l'âge d'être son père, à quelques années près.

« Il faudrait déposer une plainte quand même, non ? »

Il accompagnerait sans doute Skyla au commissariat du coin pour faire une déposition également. Maintenant, qu'il le veuille ou non, il était mêlé à cette histoire. Le casier judiciaire de MacGregor n'était pas vierge. Ivresse sur la voie publique, tapage nocturne, bagarres, et même une fois atteinte à la pudeur. Il avait passé déjà plus d'une nuit en cellule de dégrisement ou bien en garde à vue. Mais jamais la police ne l'avait arrêté pour meurtre. Il avait tuer plus d'une personne, ou plutôt : plus d'un être surnaturel. Ses victimes n'avaient plus rien d'humain.

Du sang sur les mains, il en avait. Dix huit ans, ça fait quand même plus d'une décennie, et presque la moitié de sa vie. Par moments, il se disait que ça n'en valait pas la peine, que c'était peine perdue et que jamais il n'arriverait à tuer toutes ces saloperies. Puis, il se rappelait les larmes des familles des victimes, tuées par des êtres qui n'étaient pas humains. S'il se battait, c'était aussi pour ça. Passant une main dans ses cheveux légèrement ébouriffés après qu'il ait intercepté le malfrat tel un rugbyman effectuant un plaquage, le quadragénaire prend une nouvelle gorgée de bière :

« Et toi tu fait quoi dans la vie ? Encore à l'école je suppose ? »

Si les gens avaient quelque peu tendance à rajeunir Gabriel, il était très mauvais pour estimer l'âge d'une personne. Véritable aubaine pour les gamins mineurs qui venaient se faire tatoueur au salon... Il y en avait sans doute plus d'un qui était passé entre les mailles du filet, parce qu'il les croyait majeurs. Puisque Skyla lui semblait si jeune, autant la tutoyer.

Au comptoir j’avais demander deux pintes au barman et le temps qu’il me les serve je jetais quelques regards autours de moi. La faune locale était d’une moyenne d’âge un peu plus élevée que les autres établissements dans lesquels je me rendais habituellement. C’était sans doute pour cette raison que je n’y avait jamais mis les pieds. C’est fou comme les habitudes peuvent être tenaces en fin de comptes. Je sortis un billet de dix livres et le déposait sur le bar, offrant un clin d’œil au barman en lui disant de garder la monnaie. Revenant à notre table je m’installe et dépose les bières devant nous avant de lever mon verre vers le sien, le bruit du verre épais et bien rempli tinta de manière sourde avant que je ne le porte à mes lèvres, laissant une, puis deux gorgées houblonnées couler dans ma gorge. Je failli m’étranglé lorsqu’il me dit qu’il serait peut être judicieux de déposer plainte contre le petit salopard qui avait tenté de me voler mon sac. "Si je peux éviter de faire un tour au commissariat ça m’arrange … et de toute manière, mon sac a été sauvé, il n’a rien eu le temps de prendre et vu l’efficacité des flics que j’ai pu croisé jusqu’ici … autant laisser tomber ! " Avalant une nouvelle gorgée de bière je reposais mon verre en me disant que le début de ma phrase avait peut être pu porter à confusion, je ne voulais pas qu’il croit des choses fausses, aussi j’enchainais rapidement. "Ce que je veux dire c’est que j’ai du porter plainte déjà pour une affaire, et le dossier d’enquête n’avance pas depuis plus d’un mois maintenant, j’ai été faire un petit scandale au commissariat l’autre jour, mais cela n’as pas vraiment porté ses fruits, je suis repartie bredouille … " Repenser à mon passage au commissariat m’ennuyait, à cause de ces imbéciles rien n’avançait et ma compagnie perdait un client, mais également en crédibilité auprès d’autres partenaires importants bien que tout cela ne soit aucunement notre faute. Porter plainte oui mais la prochaine que je déposerais risquerait bien d’être contre les forces de l’ordre elles mêmes, alors d’ici là … autant s’en tenir éloignée. Je ne pu m’empêcher de lui sourire lorsqu’il me demanda ce que je pouvais bien faire de ma vie, mon sourire s’élargi d’avantage lorsqu’il supposa que j’étais encore étudiante. Je n’avais pas envie de répondre du tac au tac en lui rentrant dans le cadre comme je pourrais le faire avec d’autre pour les faire taire lorsque l’on me sous estimait. J’avais envie de m’amuser un peu, et il semblait sympa alors pourquoi pas jouer un peu. "Je te semble si jeune que ça ? Allez on va rire un peu, je te laisse me poser trois questions pour tenter de savoir de quelle manière je peux bien occuper mes journées. Seul indice, non je ne suis plus étudiante … " Savoir comment me percevait les gens m’intéressait même si leur avis pouvait ensuite m’indifférer totalement. Cela pouvait être amusant de savoir l’image que l’on renvoie selon la personne que l’on a en face de soit, et peut-être que là, face à un artiste j’aurais droit à des réponses plus originales …

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La demoiselle semblait apprécier la police autant que lui. Il avait horreur des forces de l’ordre. Sans doute était-ce à cause des nombreuses nuits qu’il avait pu passer en garde à vue et en cellule de dégrisement à cause des bagarres dans les pubs, ou pour ivresse sur la voie publique. Une fois, il avait même été arrêté pour atteinte à la pudeur pour s’être baigné à poil dans une fontaine à cause d’un pari. S’il avait du coup gagné vingt livres pour son audace, ça lui avait également couter une garde à vue et une amande. Esquissant un sourire amusé, l’asiatique prend ensuite une gorgée de sa peinte de bière ambrée. Elle n’était donc plus étudiante ? Haussant un sourcil, voilà qu’il se met à observer attentivement tous les moindres détails, tout en tentant de se rappeler la conversation qu’ils avaient eu : elle lui avait dit venir d’une famille très conservatrices, quelques instants plus tôt. Elle était également à demi norvégienne. Son sac semblait être d’une très bonne qualité, et devait donc couter assez cher. Posant une main sur son menton pour mimer la réflexion tel que le ferait un détective dans une série policière, Gabriel pause la première question :

« Ton travail paye bien à première vue je dirais. T’as pas l’air bien vieille donc t’as surement pas fait de longues études. T’as dit venir d’une famille conservatrice, donc ça veut peut être dire famille aisée ? Mes parents aussi sont coincés du cul, mais riches. Mon père est magistrat, ma mère est pédiatre. Enfin, étaient, ils sont à la retraite maintenant tous les deux. »

Il se souvenait encore de leur réaction quand il avait annoncé qu’il allait devenir tatoueur. C’était il y a un peu plus de quinze ans maintenant, l’année de ses vingt-quatre ans. A l’époque, ses parents espéraient encore qu’il allait reprendre les études d’histoire de l’art. Etudes qu’il avait abandonnées deux ans auparavant pour rester aux côtés de sa femme Elizabeth qui n’en avait plus pour longtemps. Il avait déjà des tatouages, mais ça n’avait pas empêché sa mère de le regarder de manière choquée quand il s’était confié à elle dans la cuisine, lui annonçant qu’il avait trouvé un tatoueur qui voulait bien le former au métier. Ses parents pensaient sans doute que leur fils allait tout comme eux avoir plus tard un métier dit respectable. Manque de chance, l’adolescent rebelle qu’il était avait choisi la voie artistique plutôt que la voie intellectuelle.

« Deuxième question… T’est à moitié Norvégienne, donc je pense que tu dois parler cette langue couramment comme l’anglais. T’en parles d’autres ? Parce que du coup, tu pourrais être dans le commerce avec l’étranger si c’est le cas. »

Insomniaque, l’asiatique passait de nombreuses nuits à dessiner, à jouer de la guitare mais aussi à regarder la télé en étant tranquillement avachis sur son canapé. Il aimait bien les séries policières, surtout Sherlock Holmes qui faisait attention au moindre détail pour résoudre une enquête. Certes, deviner le métier de quelqu’un c’est bien plus facile qu’un meurtre. Mais tout de même, le tatoué était fier de sa capacité d’observation et de réflexion.

Le tatoueur semblait m’observer  attentivement même s’il tente de ne pas trop se faire insistant. La première question ne tarda pas à arriver et il rebondit à nouveau sur mon âge. Décidément … est-ce que j’avais à ce point l’air d’une gamine ? Ok je n’ai que vingt-quatre ans, je n’en ai pas dix-huit non plus … mais ça me fait sourire après tout mieux vaut ça que l’inverse, ce job ne m’a pas encore fait vieillir prématurément c’est déjà un bon point. Je l’écoute faire ses suppositions tout en apprenant ce que font ou faisaient ses parents. Il vient d’une famille aisé lui aussi, j’avoue à première vue ce n’est pas ce que j’aurais pu supposer de lui. Comme quoi, les clichés sont parfois tenaces… "Disons que depuis que je suis petite, je n’ai jamais manqué de rien en effet, je ne suis pas aristo par contre, mais mon père a construit sa fortune" Ce n’est qu’en bossant autant que je commence à comprendre ce que mon père à du faire lorsqu’il avait mon âge, et même plus jeune. Il avait ses idées, il a voulu montrer qu’il pouvait y arriver quoi qu’on lui en dise. Lui le fils de pêcheur de Bergen qui trouvait que pêcher c’est sympa un moment pour se faire du fric pendant les vacances quand on est jeune. Mais il ne se voyait pas finir sa vie sur un bateau. Je ne peux que l’en remercier après tout c’est en faisant ses études, en pouvant voyager qu’il avait rencontrer ma mère. Et c’est grâce à lui et ses heures de travail acharné que j’ai toujours eu tout ce que je voulais étant petite. Le bilinguisme il fallait croire que ma mère avait bien fait son job avec moi. Je sais que c’est une chance que j’ai eu de grandir avec des parents de langues différentes qui ont tenu à mes les inculquer tous les deux. "Bien vu, je suis totalement bilingue. Je suis née et j’ai grandi en Norvège mais ma mère m’a toujours parlé anglais, c’est pour ça que j’ai été faire mes études aux Etats-Unis également. Pour ce qui est des autres langues, je me débouille un peu dans les autres langues nordiques, j’ai quelques bases d’Allemand également. Tu es dans le juste pour le commerce international …" La nouvelle question n’avait pas tardée non plus. Il visait juste, j’étais impressionnée par une logique aussi imparable. J’avais si souvent eu droit à des questions bien plus loufoques ou déplacées, voir carrément à côté de la plaque… Pour certains j’étais étudiantes, pour d’autres barmaid, d’aucun me voyait en stripteaseuse ou prostituée alors que j’avais également été rangée dans la case vendeuse de fringues… Je ne sais pas si c’est le fait que ce soit un artiste ou qu’il soit plus âgé mais ses questions étaient bien ciblées. Buvant une bonne gorgée de bière je lui sourit, intéressée de connaitre sa dernière question. "Alors Sherlock … une dernière question ou tu me donne ton analyse finale tout de suite ? " Lorsque j’étais dans la voiture tout à l’heure, pendant un instant j’avais été énervée qu’il y ait tant de circulation, d’avoir pris la décision de finir mon retour à pied, encore plus de m’être fait voler mon sac, ou presque. Tout ça m’avait fait entrevoir une soirée bien morose, c’était donc sans compter sur mon chevalier servant, tout bardé de tatouages qui, je dois l’avouer, me laissait entrevoir une soirée bien moins morne.

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Enregistrer tous les moindres détails. Faire attention à chaque mot prononcé. Jamais manquer de rien, un père qui a construit sa fortune seul… Le sujet de la famille revenait souvent depuis le début de leur conversation. Ses parents semblaient avoir une place très importante dans la vie de la jeune femme. Voilà qu’une fois de plus, elle mentionne sa mère lui ayant toujours parlé anglais depuis son enfance. Faute de cours de vietnamien à Edinburgh et sous les conseils d’un pédo psychiatre un peu douteux, ses parents lui avaient fait prendre quelques cours de chinois à la place. Soit disant, pour que le petit garçon qu’il était soit moins perturbé par ses origines qui différaient de celles de ses parents caucasiens. Une perte de temps, selon Gabriel, qui n’avait pas retenu grand-chose de son apprentissage du Chinois. Pourtant aujourd’hui, ça lui servait parfois lorsqu’il devait tatouer quelques caractères asiatiques. Mais sinon ? Mis à part quelques phrases très basiques, après trente ans sans prendre le moindre cours, l’asiatique avait fini par tout oublier. Ses origines l’avaient momentanément perturbé lorsqu’il était enfant. Il s’était demandé pourquoi il n’était pas comme tout le monde, quand pour la première fois il avait été confronté au racisme d’un petit camarade à l’école. Mais depuis le temps, de l’eau avait coulé sous les ponts. Il ne faisait même plus attention au regard parfois étonné de ses interlocuteurs lorsqu’il se présentait avec cet accent écossais si prononcé. L’écosse et Edinburgh, c’était son chez lui. Il n’y était peut-être pas né mais c’est bel et bien ici qu’il avait passé la majeure partie de sa vie, ne quittant la capitale que pour des vacances.

Elle souligne avoir fait des études en Amérique. De ce qu’il savait, les facs étaient très onéreuses de l’autre côté de l’océan. Encore un indice de plus indiquant que quel que soit la fortune qu’ait bâtie le père, celle-ci était assez conséquente pour pouvoir payer un an d’études à l’étranger à sa fille. Les langues semblaient être le fort de la blonde, et voilà qu’elle confirme qu’il était dans le juste pour le commerce international. Prenant le temps de réfléchir un instant, réunissant tous les indices qu’il avait pu récolter, le tatoué soupire, prenant un air sérieux. Une gorgée de bière pour aider à la réflexion, et voilà qu’il annonce son verdict final : « J’pense que si tu taff dans le commerce international, ça doit être dans la boite de ton père. La famille, ça semble important pour toi. Et s’il s’est cassé le cul à tout construire de lui-même, il n’a certainement pas envie de léguer ça à n’importe qui. Il a surement envie que ça reste dans la famille. Fin’ moi si j’avais des enfants, j’aimerai bien qu’un d’eux reprenne mon salon de tatouage quand j’partirais à la retraite. Mais j’en ai pas, malheureusement. Alors j’espère qu’un de mes employés arrivera à devenir assez doué pour se prétendre patron de mon entreprise un jour. Quand le moment sera venu, que j’en aurais marre de la ville et que j’aurais décidé d’aller finir mes vieux jours à la campagne. »

Deux questions et voilà qu’il était prêt. Mesdames, messieurs, veuillez vous levez pour l’entrée du jury et entendre la lecture du verdict. Après tout j’aurai pu être plus avare d’indices mais c’est plus fort que moi, quand on me pose des questions, je réponds, par fois un peu trop. J’avais hâte de savoir quelle étiquette il allait bien pouvoir me coller sur le front. Je l’observait attentivement, l’imitant en buvant une grande gorgée de bière avant la « sentence ». Il visait juste. "Touché ! C’est effectivement pour l’entreprise de mon père que je bosse. Enfin entreprise familiale désormais. Mikkelsen Industry, c’est une boîte de transport par cargo, je navigue donc entre nos bureaux sur les docks et mon bureau en centre ville. C’est pas forcément le job le plus glamour qu’on puisse imaginer mais j’adore ce que je fais et pour le moment mon père n’a pas à s’en plaindre." Je ne tente pas de me jeter des fleurs, mais c’est vrai que je fais bien mon job, après tout si ce n’était pas le cas, cela fait un moment que mon père m’aurait remplacée. Ce n’est pas parce que je suis sa fille qu’il passe l’éponge facilement. En tout cas pas sur le plan professionnel ! Bien sûr en tant que fille unique, d’une famille plutôt aisée, j’ai eu la chance d’être choyée, gâtée. Mais lorsqu’il s’agissait de l’école, des études ou du travail, mon père montrait son côté intransigeant et ferme. Il avait du se battre pour y arriver, il ne voulait pas que tout me tombe tout cuit dans le bec et pour cela je l’en remercie. J’ai beau faire pas mal d’excès dans ma vie privée, ma vie professionnelle est presque exemplaire tant je veux donner le meilleur de moi-même et être reconnue comme celle qui fait ses preuve et non pas comme la fille de … Il termine en parlant du fait que lui aussi souhaiterait transmettre sa boutique à un enfant qu’il n’a pas. Je n’arrive pas à sentir si c’est une pointe d’ironie ou de déception dans sa voix lorsqu’il le dit. Quelque chose me perturbe mais j’ai du mal à y poser des mots alors j’avale une gorgée de bière supplémentaire et désigne l’un de ses bras. "Je suis certaine qu’un de tes employés s’en montrera digne le jour où tu décideras de t’arrêter, tu sembles être quelqu’un de bien et tu as un jugement plus que juste vu la vitesse à laquelle tu m’as percée à jour. Est-ce que je peux voir certains de tes tatouages d’un peu plus près ? Rassure-toi je compte pas te demander de faire un striptease au milieu du bar, je suis juste un peu curieuse …" Alors que je suis sur le point de terminer ma phrase, je me raidis. Un frisson glacial parcourt ma colonne vertébrale de bas en haut. Je savais parfaitement ce que cela voulait dire et machinalement mon regard se porta derrière moi et pourtant rien. Personne ne venait de passer dans mon dos, aucune nouveau client  n’était entré dans l’établissement et j’avais du mal à comprendre. Pourquoi je pouvais ressentir cela maintenant… Nous étions arrivés dans le pub il y a un petit moment maintenant. Je chassais les diverses suppositions de mon esprit et me concentrait sur mon partenaire de boisson du jour.

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