Witchcraft & History / Mai

Mirela se tenait devant la fameuse boutique. Une boutique de gris-gris, donc. Pourquoi pas. Elle avait l’habitude des boutiques étranges et originales, mais elle n’avait encore testé ça. Pourtant, il lui semblait avoir déjà fait le tour de ce coin là, mais elle n’avait jamais fait attention à cet endroit. Probablement perdue dans ses pensée, comme souvent, elle avait du passer à côté sans faire gaffe. Toujours est-il que maintenant qu’elle en avait l’adresse exacte, qu’elle avait rencontré la propriétaire et qu’elle se tenait devant, elle se maudissait presque intérieurement de ne pas encore y avoir été. Elle n’avait rencontré la jeune femme qui tenait les lieus que peu de temps auparavant, mais la curiosité était tellement forte qu’il ne lui fallu pas beaucoup plus que quelques jours pour se décider à aller y jeter un œil.

Après tout, il faisait beau, elle était en congé, n’avait rien de mieux à faire et avait de toute manière dit à la jeune femme qu’elle passerait dans les jours à venir. Toutes les conditions étaient donc réunies. Elle avait donc pris son sac, ses pieds, sa curiosité et sa bonne humeur et s’était rendu tranquillement, à son rythme vers Leith, le quartier de la ville qui abritait l’objet de sa visite. Le quartier en lui-même était relativement intéressant, que ce soit d’un point de vue historique ou culturel. Un autre monde si l’on comparait avec les quartiers qu’elle fréquentait plus régulièrement.

Elle décida de ne pas entrer immédiatement dans la boutique, mais plutôt d’examiner un peu la vitrine, consciente qu’elle avait l’air d’une folle, penchée comme ça vers la vitre pendant de longues minutes. Mais par définition, une vitrine est le reflet de ce que l’on va trouver à l’intérieur, et c’est le meilleur moyen de se faire une idée de ce dans quoi on met les pieds. Ce qu’elle y vit lui plut. Livres, amulettes, pierres etc … On se croirait presque dans Harry Potter, genre sur le Chemin de Traverse.

Après cette observation minutieuse, elle finit par ouvrir la porte de la boutique et pénétrer à l’intérieur. La pièce semblait à la fois vide et pleine. Vide, parce qu’il n’y avait personne, ou du moins, personne de visible, et pleine parce que Mirela ne savait plus ou poser ses yeux tant il y avait d’objets qui s’étalaient le long des étagères. Elle fit quelques pas dans la pièce, examinant des objets par ci par là, pour la plupart ne comprenant même pas leur utilité. Fascinant. Il faudrait probablement qu’elle demande à Mai de lui expliquer deux trois choses.

A propos de Mai. Où était-elle ? Lela finit tout de même par se décider à signaler sa présence, se doutant bien que quelqu’un gardait la boutique. Bonjour, il y a quelqu’un ? Parler dans le vide. Où comment avoir l’air stupide. Non pas que cela gêne Lela, hein. Et puis, il n’y avait personne autour, aucun risque. Mais c’était toujours étrange de parler toute seule. Enfin, non, pas toujours. Il lui arrivait de parler toute seule, chez elle ou dans son bureau, mais dans ces cas là elle n’attendait aucune réponse, à part peut-être d’elle-même, alors que là, elle attendait qu’une personne réagisse, sans savoir pour sûr si quelqu’un était là.

Quelques courtes minutes passèrent, durant lesquelles elle poursuivit ses observations de la marchandise disponible, particulièrement intriguée par les amulettes et les livres aux couvertures toutes plus étranges les unes que les autres. Elle se décida à se répéter, au cas où on ne l’aurait pas entendue. S’il vous plait ? Y’a quelqu’un ? Mme Fraser ?

Witchcraft & History

J'étais assise en tailleur dans l'arrière boutique, feuilletant mon herbier que mes petites leçons à Sampsa m'avaient permis de retrouvé. J'étais armée d'un stylo et d'un autre carnet pour relever ce que je trouais d'intéressant. Parce j'avais beau avoir un herbier et plusieurs grimoires selon le type de magie, j'avais pleeeeins de petits cahier où je notais un peu de tout et de rien qui concernait la magie. Et du coup, j'ouvrais un carnet au hasard je pouvais retrouver des choses très intéressantes. Puis régulièrement, au moins une fois par mois, je reprenais le plus de carnet que je pouvais trouver et je faisais dedans un tri pour savoir ce qui me serait utile de manière à le recopier dans mes grimoire. Parfois... souvent, j'arrachais des pages que je mettais dans une boite qui contenait toutes ces choses que je voulais tester en magie ou qui ne méritaient d'être notée dans un précieux grimoire. Quelle superbe organisation... Dis donc, seriez-vous en train de vous payez ma tronche ? Parce que je tiens à vous faire savoir que je retrouve toujours les sors dont j'ai besoin et que je crois pas que vous m'ayez proposé une meilleur méthode hein ! AH BAH VOILA HEIN ! On se tait maintenant. Je ris intérieurement de savoir mes esprits un peu vexés de s'être fait prendre à leur propre jeu. Je tournais une nouvelle page et tombais sur une page sur les oignons. Un petit soupire s'échappa de mes lèvres. J'aimais pas les oignons, c'était une plante à la fois vulgaire et sophistiqué et comme tous ces genres de plantes c'était une chiantise à utiliser. Puis voilà, ça s'utilisait un peu pour tout et pour rien. Je faisais tomber mes lunettes loupes sur mon nez et entrepris de décrypter ce qui était écrit. Fais chier... J'entendis quelques rires moqueurs et je savais très bien d'où ils venaient. Des squatteurs de ma tête. Je finis par abandonner, décourager par cete page dont je n'avais pas du tout envie de m'occuper. Alors, je refermais mon livre et allais délicatement le poser sur mon bureau, bien en évidence. Puis, je tentais de ranger un peu mon bardas. Je commençais par récupérer les cartons vides qui traînaient dans pas mal de coin. J'en pliais une partie que j'allais coincé derrière un meuble. C'était toujours utile ce genre de chose même si je n'avais pas le moins du monde de déménager prochainement. Et les autres, je décidais d'aller les jeter. Je les pliais vaguement puis les poser au sol. Tu vas pas oser ? Tu m'a pris pour qui ? Vas y laisse la faire ! J'adore quand elle fait ça! ah Jazz et son âme d'enfant... Elle pouvait presque rivaliser avec moi. Parce que quelques secondes plus tard, je sautais à pieds joints sur les cartons pour les tasser le maximum possible. Un rire m'échappa tant dit que je faisais ça. J'avais beau avoir encore mal partout, surtout à la mâchoire, depuis que j'étais intervenue dans cette bagarre devant mon magasin, je manquais pas d'énergie en ce moment. Tu en as même un peu trop... Ouais.. et des sautes d'humeurs aussi. Elle est enceinte! Ah ah très drôle les garçons... Nan parce que vu que vous surveillez ma vie sexuelle de près vous savez que c'est juste pas possible. Mais même vos bêtises ne me saperons pas ma bonne humeur.

Prenant une grande caisse en bois que je remplis de choses diverses et autre pour les remettre en rayon. Franchement, la boutique devait tourner plutôt bien pour que j'ai si souvent à remplir les rayons. Bon ok, certaines choses étaient assez... rapidement consommée ? Comme le tru blood et autre truc pour vampires et leur régime alimentaire à la con. Et du coup, bah très vite je devais en remettre en rayon. Mais voilà, Edimbourg était une bonne ville pour les créatures surnaturelles comme nous étions, car nous y étions nombreux. Et plus on est, plus les boutiques comme les miennes tournent. Je souris, coinçant mes cartons aplatis sous mes bras et portant la caisse de produit à bout de bras. Ce fut en faisant ça que je me rendis compte que la boutique devait être... vide de vendeurs depuis un moment et que je m'étais une nouvelle fois oubliée dans ma pièce. Ca ça devient une sacrément mauvaise habitude ! Je vous le fais pas dire. Heureusement que la boutique était entourée d'une bonne quantité de sortilège et rituels en tout genre. J'appuyais mon arrière-train contre la porte de l'arrière boutique et actionnais la clenche du coude de façon assez scabreuse. Je débarquais dans la boutique juste à temps pour entendre quelqu'un demandait Madame Fraser. J'ouvris les yeux grands de surprise. Personne ne m'appelait jamais Madame. Fin sauf la police peut être. Règle numéro 1 de la boutique : ne jamais appeler la patronne Mma Fraser. Elle préfère Mai! Je déposais ma boite et mon tas de carton à côté du meuble caisse, dans le fond du magasin et me dirigeais vers la provenance du bruit, frottant mes mains contre mes cuisses pour enlever une saleté inexistante. Je souris en apercevant la masse de cheveux de la jeune historienne que j'avais rencontré dans la boutique du vieil antiquaire l'autre fois. Mirela ? Je lui tendis poliment la main, contente de voir qu'elle était venue chercher l'occasion de partager nos recherches si rapidement. Comme quoi, elle devait être une vraie passionnée de magie. Ou elle a vraiment remarqué que tu es space... Merci Marcus, d'introduire cette espèce de crainte en moi. Très sympathique de ta part. Mais je croyais que vous la trouviez rigolote celle ci ! C'est Temperance qui trouve que tu es parano de penser que c'est pas strictement théorique... Moi je suis beaucoup moins confiant, tu le sais bien. Je retiens une grimace devant cette vérité. Temp n'est pas du genre à faire confiance à tout le monde mais Marcus ne me faisait même pas confiance à moi donc... Ah puis surtout pas à moi même ! Je retiens un soupire qu'elle n'aurait pas compris. Envie de discuter histoire de la sorcellerie? Un grand sourire se dessina sur mon visage à cette simple idée.

Après ce qu’il lui parut une longue attente (alors qu’objectivement, seules quelques minutes s’étaient écoulées), elle fini par entendre un mouvement qui provenait du fond du magasin. Au moins, elle n’était pas venue pour rien. En même temps, il aurait été surprenant que le magasin soit grand ouvert sans personne pour y veiller. Ce serait inconscient, et Mai ne lui avait pas semblée de  ce genre. Après, elle aurait pu se tromper aussi, elle avait l’habitude que les gens la jugent de travers, elle pouvait très bien tomber dans le même panneau. Mais non, apparemment, elle avait vu à peu près juste. Elle sortit de ses pensées au moment où la silhouette de la jeune femme jailli de derrière une étagère. Et cette fois, elle avait l’air bien plus avenante que lors de leur première rencontre. Ce qui, en soi, n’était pas bien compliqué. Si leur premier échange avait été un peu, disons, chaotique au départ, celui-ci promettait déjà un meilleur début.
Elle sera la main que Mai lui tendait en lui rendant son sourire. Bonjour Mai, vous allez bien ? Je ne vous dérange pas au moins ?
Une chose n’avait pas changé, Mai avait toujours l’air en intense conversation avec elle-même. Mais après, elle n’avait pas la moindre idée de ce dont elle avait l’air quand elle-même était perdue dans ces pensées, si ça ce trouve elle avait la même expression. Du coup, cela expliquerait pourquoi beaucoup de gens la prenaient pour une folle. Bref.
Envie de discuter histoire de la sorcellerie ? Mirela sourit. On ne peut rien vous cacher, on dirait. Et je dois avouer que j’étais particulièrement curieuse de voir vôtre boutique. Et comme je n’avais rien à faire aujourd’hui et qu’il fait beau, je me suis dit que je passerais faire un tour. Et puis, ça me faisait une occasion de me balader. Non pas que j’en ai besoin, mais … Pardon, je ne sais pas pourquoi je vous raconte ma vie. C’est vrai ça, c’est quoi cette manie de déballer sa vie comme ça ? Mais Mirela faisait souvent ça, emportée par le flot de ses paroles et de ses pensées, au point qu’elle ne réalisait parfois même plus qu’elle parlait pour ne rien dire. La plupart du temps, les gens ne s’en formalisaient pas trop, mettant cela sur le compte de son excentricité. Et elle finissait de toute manière toujours par s’interrompre d’elle-même.

En tout cas, j’aime beaucoup la boutique, même si je dois bien avouer que certains objets me laissent perplexes. J’ai encore des choses à apprendre on dirait. Ce qui était, à ses yeux, une très bonne chose. Très curieuse de nature, la nouveauté l’intéressait toujours et elle était toujours prête pour de nouvelles découvertes. Alors si en plus cela lui permettait d’avancer dans ses recherches, encore mieux. Mais en ce moment, les recherches stagnaient. Elle avait épluché à peu près tous les ouvrages possibles et imaginables qu’elle avait à sa disposition, mais elle était encore loin d’être satisfaite. Le problème avec l’études d’une minorité, c’est que niveau sources, c’est pas la joie. Déjà, y’en a pas des masses, et en plus, elles proviennent rarement de ceux qu’on étudie, plutôt de leurs opposants. Alors niveau objectivité, on repassera. Du coup, faut trouver des combines pour obtenir des infos qui feront des recherches en questions autre chose qu’une simple redite des travaux précédents. Et autant dire que ce n’est pas toujours simple. Mirela espérait donc que Mai pourrait lui apporter quelque chose de nouveau.
Donc vous m’aviez dit que vous vous intéressiez surtout aux familles et aux rites de sorciers, c’est bien cela ?
Les rites de sorcelleries étaient très bien décrits dans les sources, mais de manière comment dire … Assez imagée et surtout imaginative, qui laissait à pensé que beaucoup de ces descriptions étaient fausses ou tout du moins largement exagérées. Quant aux familles, c’était un travail de généalogie, et ce n’était pas véritablement le point fort de Lela. Or la généalogie fait parti de ces moyens détournés pour comprendre une minorité. C’était donc tout bénèf’.

Witchcraft & History

Je passais les rayonnages de la boutique pour atteindre le client que je venais d'entendre. Oh c'est la jolie et très particulière historienne. Je souris tout l'interpellant. Ainsi elle était venue... Je devais avouer que quand je lui avais proposé que l'on se voit tout en lui donnant une des carte du magasin, chose que je faisais finalement pas très souvent, je n'avais pas été certaine qu'elle accepte. Curiosité scientifique? Peut être qu'à vos époques les historiens et les scientifiques n'étaient qu'un seul corps professionnel, une seule matière on va dire mais de nos jours être historien n'a parfaitement rien à voir avec être scientifique. Et vu mes notes en physique-chimie au lycée, je devais avouer que cela était tant mieux pour moi. C'est pas comme si tu avais continuer tes études très longtemps de toute manière. Point marquée. Je lui serais la main en souriant. Vous pouvez me tutoyer vous savez. Et non, vous me dérangez pas le moins du monde. Comme vous le voyez c'est assez calme aujourd'hui. Je désignais de la tête la boutique vide. On m'aurait dit que tenir un commerce c'était être aussi souvent seule dans son magasin ou avec seulement ses employés, j'y aurais pas cru. Mais maintenant que ça faisait un certain temps que j'étais déjà installée dans la boutique, je m'y étais habituée et ça me permettait aussi d'avoir un peu de temps pour calmer mes maux de têtes... Tu veux dire : nous calmer? Vous m’ôtez les mots de la bouche. Je lui demander si elle était venue discuter d'histoire et plus précisément d'histoire de la sorcellerie. Et oui on ne pouvait rien me cacher. Ventarde... Roooh ! Nan c'était tellement évident qu'elle était venue pour cela en même temps que je risquais pas vraiment de me tromper en lui demandant cela. Je souris d'au tant plus qu'elle m'avoua avoir été impatiente de voir ma boutique. Mai aime un peu trop qu'on dise du bien de sa boutique. Hey... Nan mais écoute pas Marcus, c'est un vieux con. Aime ta boutique. Voilà ! J'avais le droit d'être fière après tout ! Vous inquiétez pas, j'ai aussi cette habitude de raconter ma vie. J'étais un peu trop bavarde comme fille, qu'on me disait parfois et du coup forcément je parlais de tout ce qui me passait par la tête. Même que tu parles toute seule... Non, je ne parle pas toute seule ! Je vous parle à vous mais je suis, malheureusement pour moi et heureusement pour les autres, la seule personne à entendre votre partie de la conversation. Je dus me retenir de rire quand elle me dit que certains objets lui étaient inconnus. C'était parfaitement normal. Même moi je connaissais pas tout de chaque chose que vendait ma boutique mais surtout : je m'attendais pas à ce que quelqu'un d'autre que moi les connaissent encore moins quelqu'un qui ne soit pas sorcier.

Attendez trente seconde, je vais nous trouver des tabourets. Après tout, elle état dans un coin dégagé de la boutique avec de la lumière, c'était nickel pour se poser et discuter mais voilà tabouret oblige. Je n'eus pas de mal à en récupérer dans la magasin puisqu'on en avait pour se servir sur les étagères et... que c'est vrai que ça pourrait être mieux rangé dans le coin. Je reviens vers la jeune femme et lui tendis une de mes trouvailles donc. C'était plus confortable quand on avait son cul là dessus. Elle me demanda si elle avait bien retenu les sujets qui m'intéressaient. Toute la sorcellerie plus exactement mais oui surtout ça. La généalogie est intéressante parce qu'elle permet surtout de repérer comment dire... des groupes ? Des types de sorciers ? Ce genre de chose... un peu comme étudier leur rituel permet, vu qu'ils n'avaient pas tous les mêmes manières de faire... Tu mens de mieux en mieux franchement. Je mens pas... Il est vrai que je recherche les familles surtout pour retrouver d'où ma propre magie vient et que les rituels... non c'est pas du tout pour les utiliser. Et vous, vos domaines... favoris ? D'expertise ? Je suppose qu'en tant qu'historienne vous devez faire beaucoup plus attention que moi à certaines... donnée. certaines choses plus pragmatique et terre à terre ? Ouais voilà puis je faisais pas trop gaffe au contexte historique des lieux où je retrouvais des sorciers. Je m'intéressais au sorcier mais je faisais généralement pas attention au reste du coup...

C’est vrai que vu l’activité qui régnait dans la boutique, ce devait être une journée plutôt calme. Mais après, cela ne veux pas dire qu’elle n’avait pas d’autre choses à faire, il n’y avait sûrement pas toujours besoin qu’il y ait du monde pour avoir de quoi s’occuper. C’est souvent aussi tranquille ou j’ai juste eu de la chance ? Il faut dire aussi que Mirela n’avait pas l’habitude de travailler dans un environnement aussi calme, l’université bouillonnait toujours d’activité, de passage, de discussions. Certes, dans son bureau elle avait la paix, mais c’est à peu près tout. Après, l’ambiance universitaire ne lui déplaisait pas, bien au contraire, mais elle était par nature plutôt solitaire et encline à apprécier le calme et le silence. Ce qui était assez contradictoire pour la bavarde invétérée qu’elle était. Heureusement, Mai ne s’en formalisa pas, au contraire, lui avouant au passage qu’elle était du même genre. Ca allait donner, deux bavardes dans la même pièce. Mais au moins, c’était agréable de savoir qu’elle ne serait pas toujours obligée de se réfréner.

Elle s’assit sur le tabouret que la jeune femme lui tendait et l’écouta préciser ses domaines d’intérêts. Plus les deux discutaient plus Mirela était certaines que leur collaboration serait des plus intéressantes. Vous … tu peux  me tutoyer aussi, tu sais. Elle réfléchit à la réponse qu’elle allait pouvoir donner. Il y’avait beaucoup de choses à dire, d’autant que ses recherches s’étaient portées sur de nombreux aspects déjà. Elle essaya de se limiter aux principaux. Eh bien, je m’intéresse évidemment au contexte historique. Il y a souvent un lien entre sorcellerie et évènement historique. On voit toujours plus de dénonciations en temps de crise qu’en temps de prospérité. Et pourtant, les sorciers n’apparaissent pas miraculeusement avec les crises. C’est juste qu’ils passent de personnes bien intégrés à la société à bouc-émissaires.  C’était toujours pratique d’avoir une sorcière sous la main, à l’époque. Elles faisaient souvent offices de guérisseuses et autres, et elles étaient utiles à la communauté. Mais dès que ça allait mal, on l’accusait de tout les maux. Après tout, il faut toujours quelqu’un pour porter le blâme, et les sorciers étaient des cibles toutes désignées.

Leur répartition dans l’espace aussi, on en trouve pas partout, et comprendre pourquoi fait partie de ce qui m’intrigue. Elle avait eu l’occasion de remarquer que certaines régions restaient imperméables à la présence d’êtres magiques, du moins en apparence. Et puis, c’est assez fascinant d’essayer de faire le tri entre ce qui relève de l’imaginaire et du concret dans les sources, surtout dans les récits de procès, on y lit parfois des choses assez rocambolesques. C’est le moins que l’on puisse dire. L’époque moderne était certainement une période propice à une imagination débordante, si l’on en croit les récits. Elle fit une pause, le temps de se remémorer quelques passages particulièrement folkloriques qui l’obligèrent à retenir un rire, avant de poursuivre.  Comme souvent quand on fait des recherches sur des minorités, on étudie en grande partie la manière dont la société minoritaire est perçue par la société majoritaire. Ce n’est pas comme si on avait des masses le choix de toute façon, c’est de la que proviennent les sources. Et évidemment, la « sociologie » des sorciers, c'est-à-dire qui sont généralement les personnes accusés de sorcellerie. Les femmes, en général. Evidemment. Et de préférences, âgées.

Mais il faut dire que beaucoup de recherches ont déjà été effectuée sur le sujet, alors je me dois de trouver un angle d’approche nouveau. Je suis à peu près persuadée que la manière dont on se représente les sorcières, que ce soit aujourd’hui ou à l’époque, est fausse. Ou du moins en grande partie. Parce qu’après tout, les légendes ont toujours un fond de vérité. Mais pour prouver cela, il faudrait dégotter des sources encore inconnues. Et ça, ce n’était vraiment pas une chose facile. Les individus les plus faibles et en marge de la société étaient généralement visée, mais quelque chose me dit que s’il y avait vraiment des sorcières, ce n’était pas ces gens là. Ou du moins pas toujours. J’ai du mal à croire qu’il n’y avait pas de sorciers suffisamment « normaux » pour s’intégrer complètement à la société et ne jamais se faire remarquer. Ouf, ça en faisait des choses à dire. Elle s’arrêta, autant pour reprendre son souffle que pour laisser à son interlocutrice l’occasion d’en placer une. Mirela avait inconsciemment enclenché le mode conférence et dû se rappeler qu’il s’agissait d’une discussion, et pas d’un soliloque. Elle offrit un sourire à Mai en guise d’excuse. Elle était curieuse de connaître le point de vue de la jeune femme sur le sujet, et se mit en mode écoute afin d’entendre ce que Mai avait à dire.