ENOCH † à l'amorce d'un mensonge, on pêche une carpe de vérité.

âge: la brise du temps a déjà fait son œuvre sur Enoch, voilà bien 53 années qu’il foule le sol humide de sang et de larmes de la Terre. lieu de naissance et origines: c’est la caresse de la brume matinale d’Edimbourg qui l’a accueilli à l’aube de sa naissance, lui, un enfant de l’Ecosse dont les lointaines racines anglaises se sont diluées dans les eaux profondes des lochs. statut civil: la vie a pu lui faire goûter les joies et les peines du mariage, mais également les affres de la mort. Ses ailes sont arrachées, le voilà veuf. profession: chaque jour depuis plusieurs années, il se lève inlassablement pour enseigner la théologie et la démonologie à l’université. comment avez-vous atterri à la british library: ayant découvert seul l’existence des êtres surnaturels du fait de ses recherches, il a fini par être remarqué par un archiviste. Son travail semblait être estimé à sa juste valeur et il lui proposa de rejoindre ce groupe particulier. Enoch ne pouvait qu’accepter, sous peine de se sentir seul avec sa découverte pour le restant de ses jours. qu'est-ce que votre personnage connait/pense du surnaturel: pendant longtemps, Enoch a condamné le surnaturel pour être de la supercherie ou de la superstition et pourtant… ses recherches lui ont fait ouvrir les yeux : le monde surnaturel existe et pas seulement dans les rêves de quelques écrivains. Ses investigations lui ont permis de se forger ses propres connaissances sur les créatures qui l’entourent puis, après être devenu membre du Talamasca, ce champ de savoirs s’est étendu de plus en plus. Sa position actuelle au sein de l’organisation et sa mémoire aidant, il se doit d’être un spécialiste parmi ses pairs. Après observation et réflexion sur le surnaturel, il ne peut que faire l’analogie avec l’humanité : il y a des bons et des mauvais, des blancs, des noirs, et surtout des gris. Seul compte l’équilibre régissant la nature et le monde. avez-vous un lien spécial au projet darwin: son propre fils est un enfant de ce projet sans doutes un peu fou et à priori passant outre toutes les règles éthiques de la science. Mais à l’époque, Enoch et son épouse étaient dans l’incapacité de concevoir et c’est sûrement ce projet qui a pu les souder plus que jamais, sans qu’elle ne le sache. Et par la force des choses, Enoch est le moniteur de son fils, à qui il n’a jamais avoué les secrets de sa naissance ni sa véritable nature. Chaque jour, il est tiraillé par ses remords de ne pouvoir lui expliquer qui il est vraiment, et par la volonté de se protéger de la terrible vérité ainsi que du regard de son garçon si cher qui ne verrait alors en lui qu’un monstre amoral. quelle est votre réputation à edimbourg: bonne ; ses étudiants apprécient souvent le côté excentrique qu’il apporte parfois à ses cours ainsi que sa répartie face aux éventuels perturbateurs. Il aime son métier et l’ambiance dans son amphi s’en ressent. Ses collègues semblent le reconnaître comme un homme talentueux dans ses disciplines, même s’ils sont parfois étonnés voire déconcertés de son ambivalence théologie-sciences. Quant aux archivistes, sa réputation n’est plus à faire parmi eux. traits de caractère: dans son état normal, il se révèle être quelqu'un de : paternel, intelligent, attentif, discret, doté d'un esprit scientifique et critique, érudit, paranoïaque, responsable, observateur. Mais être possédé par un démon n'est guère de tout repos, et en plus de le rendre étrangement lunatique, il peut devenir : railleur, méprisant, moqueur, sceptique, froid et goguenard. crédits: avatar de schizophrenic, gifs trouvés sur tumblr et l'icon sur livejournal. groupe: the science.

001. pour bien commencer sa journée, il lui est indispensable d'avaler des pancakes dégoulinant de miel ainsi qu'une grande tasse d'Earl Grey. le priver de son thé siroté à la lecture du journal matinal, c'est comme tapoter naïvement le front d'un taureau nerveux en gloussant. c'est du suicide. 002. depuis la mort de son épouse, comme il parait que les sandwich ne font pas partie d'un régime dit équilibré, il lui a fallu se mettre devant les fourneaux. sauf qu'il est très mauvais ; entre les pommes de terre carbonisées et les escalopes de poulet trop grillées, il risque à chaque fois de provoquer un incendie dans sa cuisine. heureusement, il ne s'en tire qu'avec une pièce dans le brouillard nucléaire. finalement, commander une pizza, ça peut être bien aussi. 003. enoch est un névrosé de la montre. arriver en retard, c'est la fin du monde. alors il arrive toujours avec vingt bonnes minutes d'avance, parce qu'on ne sait jamais, et pour s'occuper, il n'y a rien de tel que les su-do-ku. 004. c'est le prof avec ses lunettes d'intello, là bas, et qui porte une veste de costume bleu marine par dessus un tee-shirt affichant une loi de murphy différente chaque jour. 005. il adore son travail et il ne pourrait concevoir l'enseignement comme étant un lieu froid sans échange. bien qu'il réclame calme et attention pendant ses explications, il n'hésite pas à offrir la parole à ses étudiants. il est seulement intraitable quand un élève arrive en retard. 006. quand il a un moment de solitude, dans son bureau ou dans sa voiture, il se détend l'esprit grâce à beethoven. lorsque les premières notes de l'ode à la joie résonnent à ses oreilles, il ferme les yeux et mime les gestes d'un chef d'orchestre tout en fredonnant en même temps. d'où la nécessité du moment de solitude. 007. son bureau est en fait la sculpture fragile d'une accumulation de copies et de cours qu'il prépare. pour lui, tout est parfaitement à sa place et il s'y retrouve comme un grand, alors sa plus grande crainte est qu'un courant d'air vienne tout déranger. ou qu'une personne entre en trombe. 008. son fils Isaac est son trésor le plus précieux, à ses yeux il reste son bébé alors qu'il a vingt-et-un ans, et il ne peut qu'être inquiet et préoccupé par sa capacité de darwinien. il ne lui a jamais révélé la vérité, tout comme isaac n'a jamais rien dit de son pouvoir. mais enoch sait qu'irréfutablement, son fils découvrira d'où il vient. sans doutes même se doute-t-il que le paternel a des choses à lui cacher. 009. lorsqu'il endosse son rôle d'archiviste, sa tenue est un impeccable costume. la cravate en fait un homme tout à fait différent. 010. peu de gens savent qu'après son doctorat de théologie, il a poursuivi des études scientifiques - biologie cellulaire pour être précis - en parallèle de son premier poste d'enseignant à mi-temps. à la base, c'était pour impressionner celle qui allait devenir son épouse quelques années plus tard ; elle poursuivait des études de physique et d'après elle, la science et la théologie étaient indiscutablement séparées et trop différentes pour qu'on puisse les lier. il fallait bien lui prouver le contraire. 011. il n'est plus très sportif mais dans sa jeunesse, il a pratiqué le karaté et l'aviron. 012. cela va faire deux ans qu'il est de plus en plus sous l'emprise d'un démon : méphistophélès. tout d'abord il n'avait que des petits moments d'absence, en revenant à lui, on lui demandait pourquoi il avait eu un soudain et bref éclat de rire. la première fois où il s'est rendu compte qu'il y avait vraiment quelque chose qui clochait, c'est quand sa pile de copies s'est effondrée sans raison de son bureau. mais depuis maintenant un mois et demi, il doit se faire force pour prendre ses décisions de manière la plus logique qui soit. il sent que le démon gagne du terrain sur sa propre conscience.

« Tu n’iras pas perdre ton temps à étudier ces sornettes de grenouilles de bénitier ! » Les mots de son père résonnent toujours dans son souvenir. Enoch voit encore sa mère aborder un visage choqué et se signer avant de détaler de la pièce. Il esquisse un petit sourire, alors que la voix lointaine du professeur fait à nouveau sens, faisant entrer dans son crâne des notions de théologie dont il n’aurait jamais soupçonné l’existence. Pour lui, c’est bien plus que de veines histoires, c’est toute la philosophie de l’Europe qui s’explique, qui plaide son histoire complexe, c’est l’esprit de leurs ancêtres qui se meut autour de légendes qui prennent sens. « Je ne débourserai pas un penny pour cette mauvaise plaisanterie. » Son pauvre père… médecin athée mais relativement tolérant, il n’avait pas pu se résoudre à ce que son fils veuille suivre un cursus pareil à Oxford. Qu’à cela ne tienne, ils sont tous têtus dans la famille Stoker, et à force d’insister et d’argumenter, Enoch a finalement réussi à ce qu’il paye une partie de sa scolarité. Le reste, c’est avec ses maigres salaires de jobs divers. Lui-même ne sait pas trop quoi penser de la religion en général. Le père Stoker lui a inculqué un esprit critique et scientifique, mais au fond, il pense qu’il doit y avoir un créateur à l’univers. Mais les évangiles… non, décidément, il les prend davantage comme des règles morales régissant un être humain naturellement porté vers la violence plutôt que comme des histoires à prendre au pied de la lettre. Ce qui gravite autour, le folklore et les légendes, la magie et le surnaturel, c’est pareil. Ça n’existe que pour expliquer ce qu’on ignore et pour faire peur aux enfants.

« Un spécialiste en démonologie ! Dois-je me faire exorcisée, docteur Stoker ? » Le sourire d’Helen le déstabilise tout autant que son regard malicieux. Tous les deux sont en bout de table de la dizaine d’étudiants qu’ils sont pour fêter dignement leur réussite et leur diplôme. Depuis qu’ils se fréquentent, elle l’a toujours un peu charrié sur son domaine, elle la brillante étudiante de physique, l’esprit cartésien par excellence. Et elle a été fort surprise de découvrir qu’Enoch est tout aussi intéressé qu’elle par les sciences. Le jeune homme la regarde attentivement, comme semblant rechercher en elle la moindre trace d’un démon. « Je regrette, mais non, je ne crois pas. En revanche, je sais que les scientifiques succombent facilement à l’orgueil, vous les physiciens êtes des proies plus faciles que tu ne le penses, alors prudence. » Ils éclatent de rire, tous les deux. Ça le perturbe un peu, Enoch, cette magie qui se tisse entre eux, alors que personne n’avait parié pour qu’ils s’entendent à merveille. Et même lui n’aurait, à cet instant, jamais songé à ce qu’un jour ils deviennent mari et femme, deux moitiés ne formant plus qu’un.

Enoch est encore sous le choc de ce qu’il a découvert. Les semaines ont passé, et pourtant il a encore du mal à s’y faire. Il a vu. Ses yeux se sont ouverts face à la vérité. Difficile à croire, mais il sait qu’il n’a pas rêvé. Et on ne peut nier ce qu’on voit. Tout un champ de possibles s’ouvre à lui, des réponses peuvent maintenant satisfaire des questions qu’il pensait jusqu’alors insolubles. Enoch, il a vu la magie à l’œuvre. Sans subterfuge, sans prétention. Il était là, caché, pour observer, et il a vu. Un bon scientifique retente toujours l’expérience, et il l’a fait. Et voilà qu’à présent, et parce que le jeune professeur s’était lancé dans un grand recensement des faits inexpliqués dans l’histoire, un éminent historien l’invite à rejoindre une assemblée discrète de chercheurs qui, comme lui, ont vu le surnaturel à l’œuvre. « L’important est de n’en parler à personne. Vous pensez bien que la majorité de la population nous prendrait pour des fous, des excentriques. Vous-même avez eu l’intelligence de garder votre découverte pour vous. » En même temps, songe Enoch, il a eu de la peine à y croire, au début. « Vous pourrez en outre échanger avec d’autres connaisseurs en la matière. Nous sommes des chercheurs, des curieux, nous observons, mais en aucun cas nous n’agissons. Les créatures surnaturelles ne doivent rien savoir à notre sujet non plus. » Logique. Il en va de leur survie. Ça ne doit pas plaire à grand monde d’être étudié et observé comme des souris de laboratoire. Rejoindre cette communauté lui permettrait de ne plus sentir le poids de ce secret. De ne plus croire être le seul à savoir. « Je suis des vôtres. »

D’un pas silencieux, Enoch gravit les marches le menant à l’étage d’où s’échappe le froissement plaintif de sanglots. Sans allumer la lampe du couloir, il retrouve Helen dans leur chambre, celle-ci effondrée sur le lit et secouée par ses pleurs. Doucement, il s’approche, s’assoit sur le bord avant de la prendre lentement par les épaules. Le mariage les avait rendus heureux, mais la nature avait décidé de leur interdire le fruit de leur amour. Et Helen semblait en mourir petit à petit de désespoir. Plusieurs fois, ils ont tenté la fécondation in vitro, qui s’est à chaque fois soldée par un échec. Une situation de plus en plus difficile à supporter au quotidien. Si bien que les archivistes lui avaient proposé une solution encore plus difficile à prendre. Le théologien ne peut s’empêcher de pincer les lèvres tout en serrant tendrement son épouse dans ses bras pour la calmer. Il songe que le projet Darwin va à l’encontre de toute l’éthique scientifique, et même à l’encontre de la raison. Insérer une partie de génome vampire dans l’ADN de futurs humains, et en faire de simples objets d’étude à observer… certes l’intention est louable pour faire avancer la science et leur connaissance du surnaturel, mais n’est-ce pas réduire ces enfants à des choses sans âme ? Mais d’un autre côté, leur technique semble être au point, et il y a peut-être une chance pour que ça marche cette fois… au final, peu importe qu’il ait une bizarrerie génétique comme enfant. Il le chérirait de la même manière. Et si ça fonctionne… Helen retrouvera enfin son si joli sourire. Et ça, ça n’a pas de prix. « Je connais un médecin qui m’a conseillé une solution qui marcherait peut-être… qui aurait plus de chance d’aboutir. » « Peut-être ? Combien de peut-être nous a-t-on servi jusqu’à présent, pour finalement nous amener à rien ? » Il soupire. « Helen… » « Non, Enoch. Je veux que tu me promettes que ce que tu vas me proposer aboutisse à ce dont nous rêvons. Je ne sais pas si je supporterai encore un autre échec. » Il garde le silence pendant quelques secondes, sachant que les mots qu’il va prononcer, peu importe qu’il s’agisse d’un oui ou d’un non, vont lui peser sur l’âme pendant au moins neuf mois. « Je te le promets. »

La sonnerie brutale du téléphone va faire basculer cette soirée à l’origine toute calme. « Stoker, j’écoute. » « M. Stoker, je suis l’inspecteur de police Austen. J’ai une grave nouvelle à vous annoncer, il vaudrait mieux pour vous de vous asseoir. » « Que se passe-t-il… ? » A l’autre bout du fil, il peut entendre une longue inspiration. « C’est votre femme, Helen. Elle a eu un accident de voiture. » Silence des deux côtés. La gorge d’Enoch s’assèche instantanément, sa main libre se met à trembler. « Comment… comment va-t-elle ? » Un autre silence embarrassé. « Elle est morte sur le coup. Je suis désolé. » Le téléphone lui échappe des doigts et il s’effondre à genoux. C’est toute la réalité qui se brise, tous ses repères qui disparaissent. Sa vue se brouille, ses mains sont prises de spasmes incontrôlables. Il est incapable de penser, seule la vision du visage d’Helen tel qu’il l’imagine dans sa voiture après le choc hante ses yeux. A cet instant, Isaac, son fils de dix ans, apparaît hors du canapé et le rejoint, un air interrogateur sur le visage. Il avait tenu sa promesse risquée, le prof de théologie, et dix années merveilleuses s’étaient écoulées. Pour se fracasser en cette soirée. « Papa ? Qu’est-ce qui se passe ? C’était qui au téléphone ? » Serrant ses mains contre son torse pour en calmer le tremblement, Enoch finit par ôter ses lunettes pour essuyer les larmes qui lui perlent aux yeux. « Quand est-ce qu’elle va rentrer maman ? » Il a la gorge nouée, quand il relève les yeux vers son garçon. Comment peut-il annoncer une nouvelle aussi horrible à un gamin de dix ans ? Lui mentir serait tellement abject. Déjà qu’il le fait tous les jours en lui cachant ses origines, ses particularités. Toujours à genoux, il s’avance vers Isaac pour le prendre par les épaules. « Elle… Maman ne pourra pas rentrer. »

Sa respiration forme de petites volutes de vapeur volubile dans la fraicheur automnale d’Edimbourg. Fébrile, Enoch se fait force pour garder son calme : il a retrouvé la trace d’un de ces fanatiques, voleurs de leurs précieuses données du projet Darwin qui a alors volé en éclats. Huit années ont passé depuis cette lourde défaite des archivistes, la méfiance et la paranoïa s’est installée dans le cœur de l’universitaire, et ils n’ont toujours aucun indice sur l’emplacement de leurs dossiers ou d’un lieu de rassemblement des chasseurs de surnaturels. Et même si à présent, le professeur est à la tête du groupe de chercheurs, ça ne l’empêche pas d’enquêter lui-même lorsque l’importance de la mission s’avère aussi capitale. Dans la ruelle d’arrière-boutique, la sorcière apparaît. Elle a fait l’objet de ses observations discrètes, et c’est grâce à ça qu’il a pu repérer l’autre. Il reste caché, attendant qu’elle se fasse suivre par l’illuminé. Sauf qu’il se passe tout autre chose : l’attaque est foudroyante, indescriptible, incompréhensible. Enoch, il s’est plaqué contre son mur, tout ce qu’il a pu voir, c’est le corps de la sorcière qui s’effondre, seul dans la ruelle. Il n’a rien pu faire. Rien. Et même lorsqu’il sort de sa cachète pour secourir la jeune femme, il est déjà trop tard : dans ses bras ce n’est plus qu’un corps sans vie qui scrute le ciel sombre de son regard vide. Choqué, il se relève, se détourne pour poursuivre le meurtrier et peut-être aussi pour fuir la scène, pour fuir la culpabilité de n’avoir rien pu faire. Il est presque sorti de ce cauchemar qu’il entend un cri déchirant derrière lui. Surpris, il fait volte face et aperçoit un homme assez âgé se lamentant sur le corps de la sorcière. Son père, supposément. Qui se redresse pour fixer Enoch d’un regard fou. « Toi ! Espèce de pourriture ! Ver à moelle, fiente de basilic ! Sois maudit, maudit ! » Les mots eux-mêmes ont le don de faire reculer le théologien. « Mais, je n’ai rien f… » « Maudit sois-tu, enflure de fouineur, pauvre fou, maudit sois-tu pour n’avoir rien fait ! C’est toi qui l’as amené là ! Lâche ! » Il débite encore tout un tas d’injures imagées, forçant Enoch, le cœur battant à tout rompre, à s’éloigner de là le plus vite possible. Il sort de ce tunnel oppressant en ayant tout à fait perdu sa cible. « SOIS MAUDIT. »

Enoch n’aurait jamais pu prévoir que le vieux sorcier pratiquait la magie noire et qu’il était désespéré au point de vendre son âme pour le maudire, lui, l’homme incapable d’agir et de protéger sa fille d’un meurtre. Méphistophélès, il a accepté le marché avec un certain plaisir semble-t-il, et lorsqu’il est entré en Enoch, celui-ci était en plein sommeil. Le choc de la première confrontation des esprits l’a réveillé en sursaut d’un mauvais cauchemar, et s’il n’a eu qu’une sensation de chute en rouvrant les yeux, il est vraiment retombé sur son matelas. Il n’a pas eu conscience des premières manifestations du démon : seulement des petits moments d’absence, pour ensuite se rendre compte qu’un objet avait changé de place sans qu’il se souvienne l’avoir pris, des bougies qui se rallument toutes seules, un rire étrange qui résonne sourdement dans sa tête alors qu’en réalité il sort véritablement de sa gorge. Ça a été lent et pernicieux, jusqu’à ce qu’il se rende compte que quelque chose clochait. Folie ? Il ne pouvait y croire. Et il a cherché, Enoch, il a cherché, en fonction de ses symptômes, il a fini par trouver. Une réponse qu’il n’a pu croire en premier lieu. Etre possédé… impossible. Et pourtant. Le professeur serre le compte rendu médical qu’il vient de recevoir alors qu’il attend son tour pour consulter. Un examen de routine qui a fini par le marquer au fer rouge des condamnés. Un cancer. Une fois devant le spécialiste, on lui parle de cancer du rein, et d’un début de métastase qui peut encore être limité. Enoch fixe le médecin, exaspéré par cet amoncellement de termes techniques. « Combien de temps il me reste ? » Sa question semble déstabiliser le toubib. Parce que son ton est comme détaché, comme si la nouvelle ne l’atteignait pas. Et puis parce qu’il ne connaît pas la réponse, le médecin. Il ne peut que faire des conjonctures et des suppositions en fonction des traitements qu’il prendra ou des opérations qu’il subira. Et lorsqu’il sort de l’hôpital, même s’il n’en montre rien, Enoch se sent effondré. Et c’est un rire désagréable qui répond à ses interrogations.