Margaret MacPherson

Comment en suis-je arrivée là ? Suprême du Coven, respectée ou crainte par tous, à quel moment ma vie a-t-elle basculé ?

Je me souviens d'une enfance insouciante à Dublin, au rythme des jours d'école que j'adorais et des jours de repos que je passais à lire et à m'écorcher les genoux. Je me souviens de parents aimants, débordés mais bien intentionnés, si....classiques, normaux. Je me souviens d'un quotidien banal.

Bien sur maman brûlait de la sauge pour éloigner les mauvais esprits et papa parfois parlait de magie et me contait des histoires que je ne croyais qu'à moitié. Bien sur, d'une certaine façon et discrètement, j'ai été élevée dans la tradition wicca. Mais je ne l'ai jamais vu ainsi à l'époque, je pensais qu'ils voulaient me faire croire en un monde merveilleux, comme quand ils parlaient du Père Noël alors que je les avais vu ranger les cadeaux dans l'armoire. Je pensais qu'ils étaient des parents aimants souhaitant que leur fille ne grandisse pas trop vite et ne perde pas l'insouciance, l'émerveillement et la foi naïve des enfants.

J'avais tort. Quand mon pouvoir a commencé à se manifester je n'ai pas compris, au début, comment l'aurais-je pu ? Lorsque j'étais triste il pleuvait, quand j'étais énervée le vent se levait, quand j'étais heureuse les nuages s'éloignaient. J'ai mis cela sur le compte de mes perceptions, je n'ai pas vraiment remarqué les changements. Mes parents par contre connaissaient les signes et les ont guettés. Très vite ils ont su que j'étais prête et m'ont expliqué ce qu'il en était. Ils m'ont parlé de la magie, d'un monde dont je ne savais encore rien, d'une vie différente de celle que je pensais avoir.

Je me suis sentie trahie. C'est idiot, vraiment, parce qu'ils m'en avaient parlé, à leur façon, sans me dire que c'était vrai, mais ils ne m'avaient pas laissée dans le noir, je ne les avais pas cru, c'est différent. J'ai refusé mes pouvoirs, refusé d'apprendre les rituels, refusée de vivre cette vie qui m'était destinée. J'ai fait ma crise d'adolescence, comme tout le monde, avec quelques orages en prime. Un look de première de la classe parce qu'une sorcière aurait du être, selon moi, plus...Enfin moins...Je n'aurais pas su dire ce que j'imaginais, pas la sorcière à verrue et nez crochu mais peut être le coté flower power au fond.

J'avais des préjugés ridicules sans comprendre que la vie dont me parlaient mes parents je l'avais toujours vécue. J'ai grandi ainsi, en m'opposant à la Déesse, à mon pouvoir, à la magie, à mes parents. Et puis je suis devenue adulte, j'ai choisi la voie du professorat, que je n'ai jamais regretté et j'ai décidé de me renseigner un peu sur la magie, sur le wicca, sur ce que mes parents m'avaient expliqué sans que je les écoute.

J'ai trouvé dans cette religion de nombreux échos à mes croyances personnelles, le besoin de liberté qui m'étouffait parce que je l'opposais aux désirs de mes parents. J'ai renoué le dialogue avec eux, appris à maîtriser mes pouvoirs, découvert que j'étais issue de deux familles très puissantes et qu'en tant que telle j'étais moi-même très puissante.

Bien sur les 10 ans que j'ai passé à réprimer mon don au lieu de l'exploiter ne passent pas inaperçus maintenant que l'âge me rattrape, mais il est un peu tard pour regretter le passé. J'ai embrassé la religion wicca dans laquelle 'javais baigné sans el savoir, une religion basée sur le respect de la nature et de l'équilibre, du moins dans ma famille. J'ai appris ensuite qu'on pouvait faire dire bien des choses à la religion, quelle qu'elle soit et que même au sein d'une communauté chacun avait sa vision très particulière de la foi, et de la magie.

Mais ce n'est pas là que ma vie a basculé, tout au plus est-elle à cette période, revenue sur les rails qu'elle n'aurait jamais du quitter. Non ce que je me demande c'est comment, à quel moment, je me suis retrouvée Suprême. Je n'ai jamais été attirée par le pouvoir, c'est peut être pour ça qu'on me l'a proposé...Je ne sais pas exactement.

J'ai rejoint le Coven dans ma...trentième année, à un ou deux ans près, à cet âge là déjà on cesse de compter, n'est-ce pas ?

J'avais envie d'explorer davantage la magie, ses limites, j'avais envie de comprendre, la foi ne me suffisait plus, pas tout à fait du moins. J'ai toujours aimé les maths, d'où mon choix de métier, mais je n'ai jamais aimé leur application, j'aime leur beauté intrinsèque, leur abstraction. Pour la magie il en va de même. Je ne cherchais pas le pouvoir que peut procurer un sortilège précis mais je cherchais à comprendre les schémas qui sous-tendent les sortilèges, je cherchais à créer, inventer, découvrir, expérimenter. Et un Coven, surtout aussi puissant que celui-ci, me semblait essentiel. De plus je les connaissais bien, mes parents en étaient tous deux membres, tout comme mes grands parents et arrières grands parents, je crois que ce sont des ancêtres de mon père qui l'ont fondé.

J'ai créé, expérimenté, inventé, j'ai détruit quelques cristaux, fait des erreurs, recommencé, j'ai appris des sorts, j'ai décortiqué des incantations, j'ai étudié la magie et quand la Suprême  est morte de vieillesse on m'a catapulté à sa place, sans vraiment me demander mon avis. Sans m'en rendre compte j'étais devenue l'une des plus puissantes sorcières de mon âge, la plus puissante du Coven.

J'ai bien tenté de protester mais le monde alors était complexe, se remettant à peine de conflits bien plus complexes que ne le croient les mortels, tout partait à la dérive, j'ai donc finalement cédé. J'ai dirigé le Coven d'une main hésitante au début puis, avec l'âge et la confiance, d'une main de fer dans un gant de velours.

Récemment j'ai déclaré la guerre aux vampires, ou, du moins, j'ai posé un ultimatum très clair après la mort d'une des nôtres. Je regrette le décès de notre Oracle, sans connaitre l'avenir comment puis-je y préparer les miens ? Mais s'il faut combattre nous serons prêts, même si j'espère ne pas en arriver là.