Serafina ϟ Mistaking Life.

  âge: Quatre décades. Oui, quarante ans, c'est lorsque notre microcosme se galvaude, lorsque l'ivraie du temps dépose sur notre physionomie les peintures pittoresques de ce germe qu'est le vieillissement. L'avenir est un triste sire, qu'elle songe souvent en mirant son reflet, déjà une pléiade d'années passées sur ces landes. C'est peu. C'est trop. C'est la flammèche de la crise qui nous chavire dans une introspection maladive, car quarante ans, il paraît que c'est la moitié d'une vie.  lieu de naissance et origines: Elle a vu le jour et la nuit dans ce pandémonium celtique qu'est Edimbourg, elle y a fait ses premiers pas, elle est persuadée qu'elle y fera ses derniers. Sa mère est du pays, écossaise non peu fière de ce qu'elle est, mais le père, lui, de son teint de cuivre et de ses prunelles d'onyx, prend ses racines sur une île méditérranéenne : la Sicile. L' « Insulaire », qu'on le nommait, avec sa tignasse de freux et son accent mélodieux. statut civil: Une fois mariée, l'amour volatile des effluves d'alcool dans une chapelle de Las Vegas, un futur ex-mari tout aussi pochard à son bras et un innommable sosie d'Elvis Presley face à eux. Le mariage n'a duré que le temps d'une gueule de bois, elle était jeune, elle était conne, et c'est tristement l'unique expérience matrimoniale qu'elle ait jamais eue. profession: Officiellement anthropologue à l'Institut Pharmaceutique DYAD, voilà longtemps que sa curiosité a fleuri pour l'être humain dans toute sa splendeur – et sa décadence. Multidisciplinarité oblige, elle flirte tant avec la bioanthropologie que l'ethnologie et l'archéologie, en quête sempiternelle de ce qui fut, de ce qui est et de ce qui sera. Nonobstant sa passion pour la chose, elle n'y consacre qu'une partie de son temps, la seconde étant vouée à de la recherche pour la Holy Trinity. La pratique, souvent amorale, s'amourache alors d'un désir immensurable quant à ce que l'humain n'aurait, cette fois, jamais dû être. Qu'il s'agisse de spéculations scientifiques ou d'expérimentations sur sujets vivants, elle s'accoutre d'un rôle coupable et actif. famille: Son pater n'est plus, viande froide encore coincée entre les crocs de la créature lupine qui l'a occis alors qu'il s'y intéressait de bien trop près, ses lubies d'archiviste ont eu raison de lui. Sa génitrice n'a jamais su s'extirper des limbes de sa dépression après cette subite viduité, aujourd'hui croulante et sénile, Serafina l'a placée dans une maison de retraite, où elle la visite fréquemment. Mais l'Astre de son existence est son fils, Raphaël, jadis enfant-roi et aujourd'hui éphèbe despotique. Amour et exécration ne sont plus que fulgurant vortex lorsqu'ils s'aiment et s'abhorrent. dons particuliers: Le génome n'est pour elle guère une source de jouvence, son derme se craquèle au gré des ans comme celui de tout être humain lambda, elle n'est ni nyctalope, ni surpuissante – tout au plus jouit-elle d'une once de force et de vélocité supplémentaire, simplement de quoi conclure qu'elle est une femme costaude et vivace, rien de plus. Ses sens, à défaut d'être exacerbés, sont simplement affûtés (point de lunettes ou sonotone même dans vingt ans !), quant au soleil, elle s'y prélasse langoureusement dès que faire se peut. En revanche, ces chromosomes viciés lui ont fait hériter d'un don qui constitue la véritable résultante de sa nature frelatée, et la preuve, chagrine, de l'humaine qu'elle n'est pas. L'hémokinésie, ou la faculté de maîtriser l'hémoglobine. Vive à vous en faire imploser l'aorte ou alanguie à vous en faire perdre l'usage de plusieurs membres, elle influence la pression de votre fluide carminé, une capacité qu'elle n'a eu d'autre choix que de dompter au risque de se faire submerger. Avec l'âge, elle a appris, elle a compris, et peut se targuer être maîtresse d'elle-même. Du moins, lorsque les sentiments ne prennent pas le pas sur la raison, car ses affects échauffés, et c'est elle qui souffrira d'un saignement plus ou moins préoccupant. Il en va de même lorsqu'elle utilise son pouvoir de façon trop intense, elle se confronta alors à un juste retour de flammes. avez-vous un moniteur: Non, et fort heureusement. Soucieux, son défunt père décida de cacher la métamorphose de sa fille unique, arguant à ses confrères que le génome n'avait vraisemblablement eu aucun effet sur elle. Ce que divers examens, habilement truqués, eurent le loisir de prouver. qu'est-ce que votre personnage sait de sa nature: Tout, ou presque. Elle en sait tout ce que son pater fut enclin à lui confesser, et en connaît plus encore depuis que le « virus » a été dérobé par la Holy Trinity. Elle veut l'étudier, le comprendre, le décortiquer... et lui trouver un remède. Elle ignore si le projet Lazarus a plus de valeur que celui Darwin, mais elle y participe, camouflant ce qu'elle est au risque d'y laisser sa vie. quelle est votre réputation à edimbourg: Adolescente, elle était hydre dans un empire qu'elle voulait conquérir, ondine avec le diable au corps et le regard d'une succube, toujours prompte à prendre le mors aux dents et à défier les règles. Elle a été l'artiste de sa propre jeunesse déliquescente, avant de rentrer dans le rang à la suite d'une irruption de maturité. Bien longtemps après, elle n'est connue que comme la mère célibataire dépassée par, ironiquement, son fils pour le moins subversif. Une femme courage, aimable et zélée de travail, quoi que profondément meurtrie par un parcours jonché de vicissitudes.  traits de caractère: Combative / Ambitieuse / Humble / Méthodique / Productive / Menteuse / Fataliste / Opportuniste / Suspicieuse / Jalouse. crédits: Babine. groupe: fear no evil / blinded by the light (Pour le coup je ne sais pas, je vous laisse décider ce qui est le mieux.).

 

  001. A l'époque où elle n'était qu'une nymphette prépubère, elle s'est laissée tenter par une relation homosexuelle après avoir lu quelque sombre récit sur Elisabeth Bathory et son culte de Sapho. Elle a toutefois vite renoncé à cette fantaisie, dédiant ses amours à une gente autrement plus virile.   002. Sans doute est-ce monotone, mais si elle en avait eu le choix, elle aurait aspiré à une vie quiète et familiale. Sa matrice a engendré un être de chair lorsqu'elle était encore extrêmement juvénile, et si elle fantasme d'être à la tête d'une large progéniture, elle sangle et étrangle ses envies maternels à cause du génome qui la hante. La providence a voulu qu'elle ne l'ait pas transmis à son fils, mais elle se refuse de jouer avec le hasard en engendrant davantage d'enfants. 003. Malgré sa réticence, elle a tenté d'intégrer quelques quidams à son existence - en vain. Mis en déroute par un Raphaël immodérément possessif de son exclusivité filiale ou découragés l'obsession professionnelle de la belle ainsi que ses mensonges et secrets, aucun n'a encore réussi à dérober son coeur. 004. De ses frasques d'antan, elle garde la saveur de la marijuana. Précautionneusement mise à l'abri dans une encoignure de sa chambre, une "Mariju" de temps à autre pour exorciser la pression journalière. Devant un film avec un verre de bon vin français ou ensevelie sous un monceau de documents pour son boulot, les effets lui sont bénéfiques - et si on le lui demande, non, elle n'est pas tributaire ! 005. Elle souffre de dysthymie, une forme de dépression chronique qui lui ronge les viscères depuis des années. Elle n'en dévoile aucune macule face au public, mais une fois le rideau tombé, ses spectres lui forgent une couronne de ronces dont ils ceignent son front. Serafina s'exècre. Elle aimerait se faire traîner aux gémonies. Elle doute, elle est terrifiée par l"Erreur", qui mettra un terme à sa vaudeville. Elle consulte un psychologue, qui aperçoit laborieusement le bout du tunnel avec sa patiente. 006. Elle est chrétienne, et a la foi. Elle adresse fréquemment ses patenôtres aux cieux et trouve une certaine ataraxie au sein des lieux de culte. Pour autant, elle est consciente de ses propres péchés et ne cherche à mystifier personne, surtout pas elle-même. 007. Elle brûle d'une fascination pour les tatouages, et en compte plusieurs à son actif. Elle les a ébauchés de ses propres mains, ils sont sa fresque narrative. 008. Sous son minois séraphin, elle est une fournisseuse de V. Ne vous y trompez point, elle ne musarde pas dans les rues pour en vendre aux consommateurs, elle laisse cette basse besogne aux dealers qui, eux, en revanche, régénèrent leurs stocks par son intermédiaire. Du moins, elle est en contact avec l'un d'entre eux, sélectionné avec prudence et en qui elle a confiance. Où trouve t-elle cette drogue ? Dans les locaux de la Holy Trinity lorsque, d'aventure, ils y amènent une capture de chasse. 009. Elle s'avère bonne cuisinière, origines siciliennes obligent, et admet une légère addiction aux denrées sucrées. 010. Timide polyglotte, elle s'exprime parfaitement en italien, qu'elle parle depuis son plus tendre âge, et se défend en français. Une langue qu'elle affectionne pour sa sonorité poétique, mais le manque de pratique lui fait cruellement défaut.

 

  L'huis lourd piaule, le bois glapit comme une âme à la dérive et résonne jusqu'à agonir dans le gigantisme de la salle. Le galbe gracile s'introduit telle une ombre pusillanime, referme après son sillon trempé par l'ondée, et fait face au silence mortifère qui règne. Elle avance, hydre de désespérance, fardée d'un masque de peau humaine qui mystifie les innocents. Les talons claquent sur les dalles, elle se meut avec un voile diaphane de perdition, trouvant en la luminescence des cierges allumés un cautère qui ne la conforte qu'à peine. Son séant épouse l'un des premiers bancs, le regard bas comme par la peur du jugement des saintes rondes-bosses qui ornent le lieu de culte. Ses prunelles s'élèvent finalement en direction de la sculpture crucifiée, elle-même surplombée par d'augustes vitraux chamarrés, et l'oeil moribond du Christ de se ficher en son âme. Ses lèvres charnues et teintées d'incarnat s'entrouvrent, et se meuvent sans que son ne résonne, si ce n'est dans son esprit.


Sa genèse avait, à l'époque, déjà été symbole de blasphème. Son père, scientifique à en occulter jusqu'au bien-être de son enfant, sa mère, férue à accepter toute lubie même la plus amorale. Mais de l'amour, ils en ont toujours offert en abondance à la pouponne qui, à sa venue au monde, ne semblait suer d'aucune différence avec le commun des mortels. Nonobstant ce génome directement implanté dans l'ovule, l'expérience était un échec, mais au moins, Serafina n'y avait pas trouvé la mort. Une enfance somme toute usuelle, avec ses joies infantiles et ses caprices puérils, les prémices d'une existence normale, à la cambrure subitement séditieuse lorsque vint l'adolescence. Damoiselle acrimonieuse et véhémente, se jouant avec malice de l'autorité parentale, flânant dehors la nuit, coudoyant d'étranges protagonistes, s'échappant de l'école aux heures où elle était supposée y être... La veille de sa majorité, elle s'échappa avec une cohorte de camarades, direction Las Vegas pour y fêter dignement son passage à l'âge dit adulte. Dix jours d'extase éthylique et narcotique, dix jours durant lesquelles elle connut la suavité saphique, elle eut son premier tatouage et... épousa même un quidam rencontré le soir même. Cependant, si le mariage prit fin aussitôt un semblant de lucidité retrouvée, son mari d'une sorgue lui abandonna un présent inopiné, car quelques semaines plus tard, la sylphide découvrit qu'un être s'épanouissait en son sein. Un bébé, si jeune, qu'elle refusa d'occire en dépit de la rage inquiète de ses parents, par, ce qu'elle appelait, son « principe moral ». Elle ne prit conscience de la pesanteur de sa bêtise et des coercitions à venir que lorsqu'il fut trop tard, son fils né, et prénommé Raphaël par sa grand-mère. Malgré ses nouvelles responsabilités, Serafina poursuivit ses frasques juvéniles, confiant la chair de sa chair à sa propre mère, jusqu'à ce que ses géniteurs ne prennent eux-mêmes la décision de confier le chérubin à des services sociaux... sans que la nymphette n'en larmoie une seule perle, putain égotiste.

Ses phalanges se crispent sur sa cage thoracique. Son palpitant, sous la rondeur de sa mamelle, se serre et brûle de remords. De regrets. Son expression se gauchit, elle aussi, ces souvenirs sont une houle acide qui lui lèche l'épine dorsale.  Ses doigts libres se mettent à triturer la croix qui décore son cou, et son gosier d'expirer d'une voix faible, mais cette fois audible.


Une année plus tard, sa véritable nature déploya sa corolle pernicieuse. Jolie Darwinienne – salope des géhennes, qu'elle s'estime être. Son pater battit sa coulpe, son avidité scientifique étranglée par sa ferveur paternelle, et offrit mille et une excuses à sa très chère fille. Il lui parla des Archivistes, des Créatures fantasmagoriques qui musardaient ici bas, de tout ce qu'il s'était évertué à garder secret tous ces ans. Une période obscure, qui n'eut comme seul mérite que d'étêter la crise d'adolescence de la belle, qui se replia sur elle-même. Différente. Anormale. Une forme de succube, qui fit naufrage sur les rives de la dépression. Pour la première fois, elle pénétra une église. Ironie, que son essence à demi diabolique lui fit découvrir une foi inespérée. Elle ne fit que gaspillage de son existence durant les deux années qui suivirent, déscolarisée et coupée du monde. Jusqu'au jour où... son père ne rentra point. Décédé dans un accident de la route, prétendirent-ils... Sournois mensonge. Sa carotide avait été arrachée par les crocs du loup-garou qu'il traquait depuis plusieurs mois, et la moitié de son abdomen, littéralement dévorée par ce même lupin. Le drame d'un métier aussitôt fardé en banale tragédie, dans laquelle le corps avait été, soit-disant, entièrement broyé – donc, méconnaissable. Peut-être fut-ce la dévastation de sa mère qui fit sourdre une soudaine appétence de vivre chez Serafina, qui choisit, pour la première fois, de saisir les brides de sa vie. Elle reprit ses études, et se trouva même un travail à mi-temps. Elle développa une indicible exécration pour tous ceux à qui elle ressemblait, de près ou de loin, tous ces spectres inhumains, qu'elle abhorra autant qu'elle se haït elle-même. Puis, elle réclama son fils, dont elle s'estimait dorénavant apte à prendre soin. Toutefois, il ne lui fut rendu qu'une fois preuves de sa maturité pleinement faites, après six années de combat – Raphaël avait alors neuf ans. Entre-temps, durant ces six ans, elle parvint à prendre contact avec la Holy Trinity, la fièvre de la vengeance dans les tripes.

Dans ses mirettes se miroitent le désespoir, l'affliction aigre qui fait scintiller les larmes prêtes à choir de ses cils. La sirène se lève et claudique, le poids de sa culpabilité en guise de boulet, jusqu'au devant du Jésus de pierre. La musculature toute contracturée, elle frémit, à l'orée de l'implosion émotive. Sa phonation résonne, gerbe sa souffrance.


Ce ne fut pas un éden. Elle dut faire preuve d'une ineffable opiniâtreté et force de caractère pour continuer à vivre, et assumer, tout ce qu'elle avait jadis fui. Elle prit soin de sa pauvre mère, jusqu'à ce que celle-ci soit en âge d'être placée dans un établissement spécialisé, là où elle espérait lui faire trouver un iota de paix. Puis, ce qu'elle avait fantasmé tel un havre relationnel fut un luxueux enfer. Raphaël lui en voulait. Raphaël lui en a toujours voulu. Il lui infligea ce qu'elle avait elle-même infligé à ses parents, une jeunesse caustique, aux nuances d'amour filial passionnel. L'éphèbe sut comment manipuler, tirer profit, et s'imposer comme mâle de la maison. Comme Homme de sa vie. Par crainte, par piété, Serafina ne lui refusa rien, nouant de ses mains la corde de chanvre à sa gorge. Mère éperdue. Mère perdue. Brillante dans son travail, indigente dans sa propre intimité. Au fils des années, de ses bons et loyaux services au sein de la Trinity, de ses diverses rencontres et expériences, elle fut amenée à réviser son jugement sur les « surnaturels ». Hostilité ? Pitié ?  Elle a eu l'opportunité de prendre conscience que les individus diffèrent autant qu'il y a d'étoiles dans le firmament, et si elle ne sait plus sur quel pied danser cette valse macabre, elle poursuit ses recherches à travers le projet Lazarus. Ce qu'elle est ? Camouflé dans les limbes de sa quintessence, depuis tout ce temps. Peu surent déjouer ses défenses, et atteindre la véracité.

Ses gambettes flanchent, et ses rotules s'écorchent sur le sol. Les vieux démons l'ont fait s'écrouler, et dans sa voie gutturale, s'étouffe une plainte de désespérance. Ses affects libèrent un séisme sur ses épaules, secouées par les pleurs qu'elle ne parvient à totalement bâillonner. Les rivières lacrymales noient ses joues, c'est son âme qui s'effondre, et elle rugit, telle une lionne à l'agonie.


Récemment, ils se sont abandonnés à l'irascibilité. Serafina a découvert que Raphaël ne suivait plus ses études. Raphaël n'en a eu cure, et s'en est allé rejoindre ses amis, talonné par sa génitrice essayant de faire preuve d'autorité. Devant elle, la voiture l'a fauché. Son précieux. Le jeune homme s'est alité sur le bitume, inconscient. Le coma, sépulture immatérielle, sans certitude que ses paupières se relèveraient un jour. Enivrée par la peur et la peine, préférant se damner pour l'éternité que d'offrir son fils à la mort, elle fit l'impensable. L'intolérable. Elle supplia aux canines d'un buveur de sang de faire leur office. Elle lui demanda de le transformer, de l'enchaîner à une immortalité sanguinivore, plutôt que de laisser la fatalité le faucher. Elle a sciemment privé son enfant de son humanité, par amour. Par égoïsme.

Elle pleure, la douce fleur. Et elle pleure.