Philtre infâme (echo)

Sans cesse à mes côtés s'agite le Démon ;
Il nage autour de moi comme un air impalpable

Toccata, Bach, grésille l’Allemagne au cœur de l’automne écossais. Dans les terroirs périlleux d’un Nord dépeuplé, le sol tremble, s’abreuve de lourdes vibrations. Quelques tympans, des hasardeux, laissent la musique répandre ses notes fignolées dans le conduit auditif pour en heurter l’enclume. Les curieux oseront un pas dans l’ombre du colosse rocheux, incertains quant à l’approche. A la nage dans les eaux glacées de Loch Duich ? Ou l’accès direct par le pont ? Eilean Donan offre bien peu d’accès pour rejoindre les lueurs de ses flambeaux vivants. Dans la noirceur de la vallée, les flots se gorgent des pâleurs de la voûte, et n’offrent qu’un sentiment glacé pour ceux qui cherchent réconfort. Les humains,  des rares à oser s’aventurer tout près de l’enceinte, d’un accès toujours refusé, des fauves rôdant en bordure de lac. Danger en tout coin lorsque grognent les babines affamées, d’un lieu baptisé royaume des loups depuis que s’y est installée l’immortelle platine. Gardiens du château et de ses alentours, certains sourires se tordraient à l’esquisse malicieuse qui se dessine sous leurs yeux. Depuis quand les fils de Loki accordent-ils miséricorde aux monstres ? Elle qui est différente, sympathisante de l’engeance féroce. Depuis toujours, fillette perdue parmi les bêtes, adoptée par les quatre pattes. Fenrir réincarné entend t’elle encore dans son vaste passé. Les loups sont à son service, la blanche goule, l’immortelle dorée.

La nuit tombée depuis quelques grains de sablier, Hannibal est flanquée sur le banc du vieil orgue restauré, jouant de ses quelques compositions préférées à une heure où dorment les domestiques épuisés. Des âmes errantes qui se sont perdus dans les pattes du vampire à différents moments. Des égarés de toute origine. Madame Doubtfire et la jeune Claire s’efforcent de garder l’intérieur luisant de propreté pendant que chantonne l’étrange jardinier au dehors. Billie, un vieux gaillard qui n’a plus toute sa tête et qui croit nécessaire de conter les guerres vécues à toute silhouette géométrique se glissant dans l’intensité de ses yeux myopes. Enfin, Bard l’ancêtre, son majordome. Le seul encore debout, à veiller sur le bien être de sa dame. La fine équipe rassemblée sous de même vœux sacrés, à  veiller à la prospérité de ces lieux et surtout, au confort de la maîtresse.

Mains d’ivoire sur les touches intactes, la lieutenante de la Carmilla termine les derniers couplets de la symphonie germanique. Une œuvre inspirée par ses soins à une époque où le fossile devient maître de nombreux artistes, un temps où la belle dissimula son existence sous le nom de quelques illustres. De Bach, elle conserve de tendres mémoires. Un garçon timide que la musique est parvenue à épanouir. Et elle, grande silhouette campée dans ses pas, à lui instruire les bases pour s’élever parmi les grands. Perdue dans ses pensées, une odeur percute son museau frissonnant, lèvres tremblantes aux crasses qui outrepasse le portique. Gronde à ses pieds Œil de Nuit,  un loup boîteux recueilli parmi d’autres. Le cantique s’estompe et l’irritation enfle dans les phalanges figées. Une grimace en guise de sourire à celle qui s’aventure ici comme dans une simple échoppe. « Fillette, pas de ça chez moi » Du sang séché qui empeste et qu’elle ramène dans sa demeure.  Qui elle a tué, l’écossaise préfère l’ignorer, n'a souhait qu'un départ hâtif de la nettoyeuse sanguinaire campée à l'entrée de la salle.