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En toute honnêteté, elle n'avait absolument aucune foutue idée de la raison pour laquelle elle avait accepté ce rendez-vous. Aurore ne faisait pas vraiment confiance à ce type : d'accord, c'était un sorcier, comme elle. Très bien, il avait l'air très bourru, et sans doute un peu atteint, mais bon, c'est une fille bien, Aurore, elle juge pas au premier regard...
Par contre, la première odeur...
Pas très net, ce gars, vraiment pas très net. Mais intelligent et rusé. Il connaissait beaucoup d’œuvres plus ou moins ancienne et avait une connaissance très étendues sur des domaines fascinants. Entre deux grands esprits, l'apparence n'est plus importante : il s'agit là de deux âmes qui ont trouvé un interlocuteur assez intelligent pour comprendre les références et la culture de l'autre. Rare sont les personnes capables de se retrouver ainsi, dans deux corps totalement opposés. Lorsque l'on voit la petite rouquine aux côtés de ce grand mec sans doute un peu dangereux sur les bords, on a presque envie d'aller la secourir, la pauvre.
Aurore était simplement aller se ravitailler chez l'herboriste de la ville, qui n'était autre qu'Orion, son âme sœur intellectuelle. Oh, il fait peur, vu comme ça. Pas très accueillant, pas très chaleureux. Et il faut dire que la petite n'a pas vraiment le caractère pour s'imposer face à un homme qui transpire la souffrance.
Pauvre type. Elle se demandait en fait qui était le pire des deux.
Avec tous ces achats, il l'avait rapidement cernée : tu ne serais pas une sorcière d'ad astra, par hasard ? Boom, bullseye. Partis sur une longue conversation sur la magie et leurs croyances, ces deux personnages que tout oppose finissent par partir sur de grands sujets passionnants, Aurore en oubliait presque sa timidité maladive. Il était rare de pouvoir ainsi étaler sa science devant quelqu'un qui ne vous jugera pas d'en connaître autant. De nos jours, les gens sont plus aptes à juger qu'à apprendre.
Au moment où ils évoquèrent leurs covens respectifs, ses autres clients commençaient à pestiférer dans leur dos à cause de l'attente. Il lui avait proposé d'aller prendre un café pour continuer leur discussion. Elle lui avait simplement répondu que la librairie était vide après la fermeture, qu'elle possédait une machine à café et que rien ni personne ne pourrait déranger leur discussion, en jetant un petit regard en direction de la clientèle exaspérée par l'attente.
En réalité, Aurore n'avait absolument aucune idée de ce que pouvait être Prima Lux. Elle en avait vaguement entendu parler, et ses sœurs à Ad Astra lui avaient conseillé de ne pas trop écouter ce qu'ils avaient à dire. Mais la rouquine est du genre curieuse, et juste. Pour elle, tout le monde à le droit d'avoir une croyance, tant que celle-ci n'est imposée à personne.
« An'ye Harm None Do what Ye Wilt », fais ce qu'il te plaît tant que cela ne nuit à personne. Telle est la devise wiccane. Et telle est la ligne de conduite de la jeune femme. Alors elle se honorerait ce rendez-vous, peut-être légèrement à reculons, mais elle l'honorerai.
Comme promis, à la fermeture, Aurore laissait l'entrée ouverte de façon à accueillir son invité, tout en préparant le café à la machine. Elle avait débarrassé une table située dans un coin de la librairie, leur permettant d'avoir leur petite bulle et entamer une discussion sérieuse sur Prima Lux et autres joyeusetés. Il ne manquait plus que l'intéressé.