blood on my name (hedvig)

âge: trente, l'innocence de l'enfance forgeant encore les pommettes, la fragilité adolescente courant sur les traits ne lui en donnant guère plus que vingt-huit. Un mirage. lieu de naissance et origines: rovaniemi, origines finlandaises de la beauté des glaces, terre adorée, abandonnée, la tempête de sentiments contradictoires déferlant dans le cœur à la réminiscence des souvenirs. statut civil: les cœurs s'attachaient, s'accrochaient, elle n'en voulait pas, souvent. elle a aimé pourtant, la douce, comme une gamine, empreinte de la naïveté des sentiments. elle a aimé comme tout le monde, jamais pour trop longtemps. car tout se compliquait alors, la poussant à s'envoler, chaste nymphe aux effrois ne semblant qu'enfantins tandis que le coeur battait à reculons. profession: c'était la grâce rigoureuse, les déplacements félins et les contorsions enchanteresses. les notes égrenées sous la pointe de ses pieds tandis qu'elle déambulait sur les planches, agile ballerine s'animant sur les regards et les applaudissements d'helsinki. sa première vie. et puis, les adieux contraints, l'abandon d'un ballet pour un autre, l'arrivée en Écosse bien malgré elle. famille et/ou meute: la louve tantôt solitaire, tantôt accueillie par les pelages immaculés des étendues nordiques, puis seule encore. comment vivez-vous les soirs de pleine lune: L'évasion de l'âme, l'envolée superbe de la psyché. Outrepassant les sens, les fragiles limites du raisonnable et tordant entre ses paumes menues les barrières de sa prison de chair opaline. Défigurant les traits trop lisses, trop paisibles du leurre de son visage, de ses lèvres de mousse s'hérissant de stèles acérées toutes destinées à recueillir quelques ultimes soupirs. Trouvant sa perfection au sein des pulsions animales, puisant au fond de ses tripes quelques travers de son ambivalence pour les déposer en offrande à la bête. La merveille. La pulpe rougeâtre qui peint l'ivoire propre aux lycanthropes des terres nordiques, imprégnant le museau de ses effluves métalliques, les babines retroussées à l'assaut des victimes, la satisfaction dans la douleur, dans les monstrueux souvenirs de l'implacable louve redevenue l'impeccable poupée de porcelaine. Là-bas, nulle retenue, l'empire forgé sous l'astre céleste, la liberté effleurée, la mort dans son sillage. Ici, contrainte à se terrer, sous les ordres d'un maître qu'elle ne tolère pas. quelle est votre réputation à edimbourg: La danseuse venue du Nord, l'élégance et la grâce imprégnée dans ses pas. Et puis, le mystère de l'étoile, des doux sourires qui semblent murmurer toute autre chose, des iris céruléens cristallisant ses interlocuteurs. L'énigme de l'étrangère. traits de caractère: l'éducation et l'instinct qui se battent en duel. la part belle à l'incontrôlable dans la décence des apparences soignées. l'on voulait qu'elle soit méticuleuse, patiente, persévérante, brillante, agréable, coquette, intéressante, adroite, ambitieuse, charmante, que les regards se posent sur son doux minois, que son nom brille dans la grisaille, que l'on se dise bien que la fille Koskinen n'était pas n'importe qui. Et elle ne l'a jamais été, Hedvig, le caractère forgé dans la rigueur et dans l'écrin de perfection que sa famille dessinait pour elle. Pourtant, le sang bouillait à petit feu, échauffait l'esprit, libérait doucement les pensées bridées qui faisaient l'essence même de la personne qu'elle était. Le masque de porcelaine ne laissait transparaître aucun indice du combat qui se livrait là, derrière les prunelles de glace, menaçant de briser le calme dans la furie d'une môme enfermée dans son propre crâne. Et puis, les crocs dans la chair, la morsure brisant les chaînes, la sauvant d'une petite mort programmée. Et le tonnerre d'émotions authentiques la submergeant. C'était pas joli. Sans doute que ça ne l'est toujours pas, là dedans, derrière les côtes, mais personne ne le voit, personne ne devine. Quelles impulsions sadiques peuvent la traverser, et l'agressivité, la fierté, l'indépendance, l'hypocrisie, les fausses caresses, la recherche de liberté oh, toujours cette liberté... crédits: dailydormer.tumblr. groupe: barking dogs.

001. Elle a toujours aimé le froid, le climat de là-bas. La peau qui se craquelait sur ses phalanges à force d'oublier ses gants. Les pieds nus dans la neige. Les vents glacés mordant sa chair, lui coupant le souffle l'espace de quelques secondes. Le temps d'apprécier les frissons hérissant sa nuque et caressant sa colonne vertébrale. 002. Gamine friande des sucreries et autres pâtisseries, le régime nutritionnel préconisé par les médecins que sa mère l'emmena voir effaça tout délice du genre de son alimentation. Paraît-il qu'elle avait pris trop de poids pour porter son nouveau tutu, celui-là même qu'on lui avait offert pour ses neuf ans. 003. Les jolies journées ensoleillées l'agacent, les bouquet de fleurs finement composés l'agacent, les parcs aux allées parfaitement découpées l'agacent. 004. Elle ne trouve d'attrait dans la perfection que dans la danse. Elle y a voué sa vie depuis si jeune qu'elle y est toute conditionnée. Tirée à quatre épingles, ne tolérant pas l'erreur, parce que personne ne la tolérait, jamais. L'apogée de sa concentration, de sa rigueur. Comme s'il n'en restait finalement plus vraiment pour le reste. 005. Hormis le finnois, elle manie habilement le suédois et l'anglais, ne se départant cependant jamais de son accent prononcé qu'elle ne tient à perdre sous aucun prétexte. 006. Elle se canalise comme elle le peut, lorsqu'elle y est contrainte. Lorsqu'elle ne peut pas laisser ses instincts estomper sa raison. Pour ne pas trahir ses allures paisibles. Les lignes se dessinent, creusent la peau laiteuse, dessinent des arabesques se peignant de vermeil avant de se refermer paisiblement dans les minutes suivantes. Comme si aucune lame n'avait volé l'intégrité des bras, des cuisses, des paumes. Et sous ses yeux hypnotisés le jeu se répète, encore et encore. Jusqu'à ce qu'elle ne ressente plus rien d'autre qu'un grand vide à l'intérieur. 007. Son coeur pulsait au ralenti, sur le rythme de cette vie plate, inintéressante. Sa seule passion la portait entre les murs de l'École, là où ses nerfs tendus se retrouvaient apaisés dans la douleur de l'effort, à travers ses muscles bandés et son esprit s'envolant dans l'exécution soigneuse des pas. Elle était déjà vive, douée. Le contentement de ses parents et des professeurs n'étaient rien en comparaison à ce qu'elle en tirait. Des heures d'échappatoire. Loin de ses idées noires. 008. Cette impression d'avoir vécu toute son existence en apnée. Dans l'attente de quelque chose. De quelqu'un. D'une étincelle. Ses vingt-trois ans ont transformé sa vie. Comme si tout n'avait véritablement commencé que par cette nuit polaire. Dans la douleur. La curiosité. La transformation. 009. La disparition du créateur, les erreurs, les lunes arrondies pour témoins. Les souvenirs de ces nuits revenant doucement avec le temps. Pas d'effroi pourtant, nulle culpabilité. La fascination et la satisfaction pour seules alliées. 010. Ramenée de force à la réalité, subissant le retour du maître tandis que la chasse au loup blanc grondait dans le Sud de la Finlande. Des années de libre-arbitre, d'évasion. Pour terminer sa course en Écosse, dans une ville inconnue, son seul métier pour point de repère. Et lui. Et la bête qui gronde au fond des tripes.

l'errance. L'enfance s'en est allée, bien trop vite. Elle a été comme on le voulait, sage et disciplinée. S'emprisonnant dans un avenir de bienséance et de charmants sourires. L'enfant sauvage n'en veut pas. Elle dort dans un coin de sa tête, se réveille et proteste parfois. Jamais trop fort. Juste assez pour titiller le calme de l'exquise Hedvig. Jetant ci et là quelques remises en question brûlantes. Quelques piques cinglantes. Elle se tait, la jolie, et elle se bat en duel contre ces réflexions qui l'attaquent. Elle bride l'enfant sauvage, lui intime de se taire, d'arrêter de tout embrouiller dans sa tête. Ils ne seraient sûrement pas ravis d'apprendre son existence. Cette facette dont elle ne parvient à se dissocier. Ce sont des pensées qui s'animent sans qu'elle ne les ait sollicitées. Et si tu lui crachais à la figure ? Et si tu essuyais ses larmes avec quelques gifles ? Les idées ne semblent pas lui appartenir. Et s'il te dit encore de tendre tes pointes, enfonce lui ton pied dans le cul. S'implantent et germent dans son esprit, insidieusement. La prochaine fois qu'il se prendra pour ton père, embrasse le. Un coup de ciseau dans ses cheveux quand elle dort ? Cheminent tel le lierre le long des parois de son crâne. Si tu partais te rouler dans la neige après ton bain ? Et si tu t'enfuyais ? Occupent de plus en plus de place. Si tu lui brisais les doigts, la prochaine fois qu'il te tapote le crâne ? Et si tu le tuais ? Oui, de plus en plus de place. Et si tu te tuais ?

la consécration. Son souffle est court, la révérence l'incline gracieusement tandis qu'elle aperçoit à peine le public se lever. Les lumières scintillent dans ses iris, aveuglantes. Elle ne distingue rien, dans cette foule de costumes et de robes longues, battant des mains à l'unisson. Elle capture l'instant, pour quelques secondes, avant que le silence ne retombe, entrecoupé du brouhaha des discussions. Avant qu'elle ne se retrouve seule dans sa tête. Plus de musique pour noyer les pensées. Plus d'enchaînement sur lequel se focaliser. Juste le calme. Avant la tempête. Et l'inconnu la fixe. Elle finit par le sentir, la môme, en interceptant son regard dans un battement de cil. Elle reste stoïque, comme elle sait si bien le faire. Elle ne donnera à personne la satisfaction des risettes animant son visage. Pas sur scène. Pas là où elle n'y est pas contrainte, jolie poupée ayant très bien appris dehors à ne jamais dire non. Elle incarne son personnage, encore un peu, juste un peu, et puis la scène s'évade sous ses pieds tandis qu'elle retire ses chaussons. Le coeur est lourd. Plus que d'ordinaire. Les cotons retombent dans la corbeille, couverts de maquillage, et les traits parfaits émergent, la gueule de la mignonne sur lequel les regards s'arrêteront encore. Encore et toujours. Une œillade prolongée dans le miroir. Elle frotte si fort que ses pommettes deviennent de plus en plus rouges. Elle tire si fort sur sa coiffe qu'elle en arrache une poignée flavescente, brillant entre ses doigts tandis qu'elle contemple les cheveux glisser sur sa peau blanche. Elle a envie de planter ses ongles sous ses yeux, d'en déchirer la chair jusqu'au menton, de voir sa figure se scinder de toute part pour en vomir toute la noirceur qui la consume de l'intérieur, en sourdine. Ses pas feutrés gagnent le cœur de l'Opéra. Les coupes pétillent, les filles gloussent aux compliments masculins. Il ne reste plus que la crème de la crème. Plus grand monde à dire vrai, pour qu'elle ne puisse se contenter d'ignorer le regard perçant de l'étranger. Alors, elle le laisse approcher, Hedvig. Blanche colombe à la bouche en cœur et aux paroles délicates. Il se laisse presque duper. Habile ballerine achevant de séduire le loup.

les déambulations. Portée par les ombres nocturnes, l'enfant sauvage s'éveille. La bête la porte en son sein, lui insuffle le courage nécessaire, la force d'accepter cette dualité déniée depuis toujours. La morsure scelle la réconciliation, la fusion de l'esprit divisé, assemblant les morceaux dans la violence. L'insupportable douleur rompt ses os, reconstruit la louve à partir des petits bouts d'Hedvig, les plus féroces, les plus viscéraux. Quelques nuits à froisser les draps en y laissant tardivement sa virginité, quelques soupirs et flatteries, et l'étranger lui offre l'inimaginable. Une nouvelle existence. Un nouveau souffle. La salvation. Et puis, il disparaît, laissant sa créature derrière lui, regagnant ses terres sans se retourner. C'est pas ce qu'elle veut, son corps entier n'aspirant qu'à le suivre. Son influence surnaturelle la possédant entièrement. La captivant. Sûrement trop. Sûrement que c'est pour ça, qu'elle se contraint à rester. À ne pas accompagner ce nouveau maître. À apprendre seule. Incontrôlable. Se perdant dans les aurores boréales. Insoupçonnable. Repérée par une meute, dans les années suivantes. Elle, saccageant les corps avant de disparaître dans la brume. Sans s'attacher. Libre et incapable de s'arrêter. Ses jambes devenues inépuisables la portant encore et encore, jusqu'au rang de première ballerine de l'Opéra, elle, l'enfant prodige née des glaces de Rovaniemi. S'égarant à chaque pleine lune dans de nouvelles contrées, découvrant son pays dans les détails à travers ces yeux qu'elle apprivoise. Qu'elle pense avoir apprivoisé. L'inconscience. Le danger qui approche. La chasse au loup blanc. La chasse à Hedvig. Hedvig qui de prudence se démunit de plus en plus.

fin du voyage. Du noir, du blanc, du rouge. Les fourrures se mêlent, se déchirent, les mugissements titanesques se heurtent l'un à l'autre. Et la masse sombre fond encore et encore sur le pelage opalin, meurtrissant la viande à demi inerte sous les assauts incessants de son agresseur. Incandescence enragée pulsant aux tempes de l'animale, tentant de s'accrocher à la vie, le museau écrasé sur le tapis des épines de pins. Les billes d'acier ternissent déjà, pourtant, happées par les ténèbres de l'inconscience. C'est bien lui. Lui qui la maîtrise, ses griffes éperonnant le flanc haletant de la bête vaincue. Toujours dominant. Toujours dominée. Peu importe le nombre d'années de séparation. Pourtant, elle ne peut s'y résigner. Plus maintenant. La langue rugueuse vient cueillir le sang épais et brûlant s'évadant de ses blessures. Elle tente de se débattre, de ruer sous la caresse qui aseptise ses plaies. C'est encore pire que les morsures. Pire que les ordres. Elle défaille dans les limbes de l'évanouissement. Et il la contemple. Son corps qui cicatrisera doucement. Sa superbe retrouvée. La farouche à nouveau domptée. A lui. Toujours à lui, peu importent ces sept années d'absence. Il faut bien que quelqu'un s'occupe d'elle, elle qui massacre sans réfléchir, qui éveille la crainte dans les villages, qui occupe les chasseurs de loups et exacerbe leur véhémence. Alors, il l'emmènera. Loin. Dans les royaumes de son enfance à lui. L'Écosse. Ces terres qu'elle maudira pour ne pas être les siennes. Pour avoir porté la vie d'un homme qui la condamne à ployer l'échine. La liberté doucement goûtée s'évade. Elle l'observe s'en aller, l'abandonner, une douleur sourde dans le ventre qui porte son estomac au bord de ses lèvres. La belle insoumise de nouveau enchaînée. Peut-être bien qu'il aurait dû l'emmener plus tôt, l'emporter lorsqu'elle était encore docile. Mais il ne la quitte pas. Pas cette fois. Faut avouer qu'il ne lui reste plus grand chose à lui non plus. Alors, il la sauve d'un destin funeste, un jour elle le remerciera. Un jour ? Jamais.