I hear you knocking (Orpheus & Keneth)

Les veilles de pleine Lune était presque aussi pénible que les Lunes elle-même. Il peinait à refréner la bête en lui et il ne se reconnaissait pas en ce qu'il devenait. Cet homme agressif et violent qui pouvait exploser à la moindre remarque. Il s'arrangeait toujours pour être seul ces jours-là, pour être de repos et ne voir personne. Il s'isolait volontairement, ou ne voyait que son Alpha. Mais pas là. Il était rentré chez lui. Il avait fermé sa porte. Il avait tourné en rond. Il avait fait des pompes pour calmé ses nerfs. Chose qui était assez invraisemblable quand on connaissait son amour pour ce genre d’exercices sportifs. Il tournait, virait dans son appartement, incapable de trouver une occupation qui contente ses nerfs. Il était fatigué et plein d'énergie à la fois. Il avait voulu s'occuper d'une plante qu'on lui avait donné , mais ses mains tremblaient. Impossible de faire quelque chose de précis. C'était terriblement agaçant. Son corps réclamait tout, et son esprit réclamait le contraire. Il finit par s'attabler, devant de la viande crue, la mangeant goulûment. Elle était saignante, et le goût du sang lui semblait si divin. Et si répugnant à la fois. Il n'en pouvait plus de ces moment-là. Même si tout le monde lui disait qu'il finirait par accepter cette part de lui-même, il n'arrivait pas à s'en convaincre. Ce n'était pas lui. Ce ne serait jamais lui qui dévorerait avidement cette viande. Ce n'était juste pas lui. Il ne voulait pas devenir un autre.

Il finit dans un élan de colère par jeter la fin de son assiette et mit la vaisselle encore sanglante dans son évier avec la nausée. Il se dégoûtait tellement. Il alla vers son armoire à épices et autres herbes. Il avait appris quelle plante pouvait leur faire du mal. L'aconit. Aussi étrange que cela puisse paraître, et sans doute aussi masochiste, ils s'était empressé d'en trouvé. Des plants, des feuilles et fleurs séchées, de la poudre même. Il voulait pouvoir se faire suffisamment de mal pour ne pas en faire à d'autres. Il mélangea un peu de poudre dans un verre et le but d'une traite. Il se fichait d'avoir mal si cela mettait un peu la bête en lui en sourdine. Il rangeait la poudre quand on frappa à sa porte. Il sursauta. La poudre glissa partiellement du petit bocal en verre, se déposant sur sa peau. Il eut un cri de surprise et de douleur. Autant il avait appris à serrer les dents quand il en ingérait, autant la brûlure, il avait vite arrêté de tester. Il secoua sa main et reposa le bocal avec précipitation.

Qui est-ce qui pouvait venir ? Et faire le mort n'était plus une option après son cri. Merde. Il enroula sa main brûlée dans un tissu et alla entrouvrir sa porte, les larmes aux yeux, la douleur visible sur son visage, son teint blême. Orpheus ? Qu'est-ce qu'il faisait là ? Il ouvrit un peu plus la porte.

« Orphy ? » lâcha-t-il étonné. « Qu'est-ce que.... Enfin entre... »

Il se décala pour le laisser rentrer. Il referma la porte. Bon sang, pourquoi il était là ? C'était pas bon du tout. Surtout qu'il sentait son corps faiblir sous l'effet de son infusion d'aconit, sa sueur sur son front, il devait petit à petit se transformer en zombie...

« Je t'avais invité ?... Désolé si j'ai oublié... Tu connais ma propension à oublier les trucs... » lâcha-t-il d'une voix qui trahissait un peu son état. «  Tu veux manger ou boire quelque chose ? »

Ne pas avoir l'air bizarre. Ne pas avoir l'air bizarre. Ne pas avoir l'air bizarre...

Avec les partiels qui commençaient sérieusement à approcher, les soirées d’Orpheus s’étaient faites moins folles. Beaucoup moins folles. Il venait de passer une semaine de monotonie totale chez lui, à se taper des bouquins de génétique qui manquaient de lui vriller la cervelle. Il préférait de loin les nuits honteuses, quand il se tapait des inconnus et que c’était l’alcool qui lui vrillait le cerveau. Mais il fallait savoir être raisonnable par moments. Son appartement commençait doucement à ressembler à un truc post-apocalyptique, les zombies en moins. Quoi qu’à voir ses cernes… Dans ces moments là, il regrettait de ne pas avoir d’animaux chez lui pour s’occuper un peu. Il avait bien quelques plantes, des boutures que Keneth lui avait données et qui se plaisaient plus ou moins dans son salon… certaines moins que plus d’ailleurs.

Il avait pris quelques jours de pause chez les Archivistes afin d’avoir plus de temps pour réviser et finir ce foutu TD. La journée entière y avait été consacrée. Et il peinait à en voir le bout, ne serait-ce même que le milieu. La journée avait semblé longue et pourtant elle avait déjà filé sans qu’il ne voie rien venir. Il faisait nuit noire, ses bouquins étaient éparpillés dans son appartement, sur son tapis qui servait de bureau lorsqu’il en avait marre d’être assis sur sa chaise. Cette fois, il en avait marre. Vraiment marre. Il allait devenir dingue à force de tourner en rond dans son appartement à se taper des cas de mutation spontanée. C’est la sonnette qui le décida à se bouger. La sonnette du voisin. Qui recevait des invités qui se mirent à glousser sur le palier. Il décréta qu’il fallait vraiment qu’il lâche les bouquins lorsqu’il se rendit compte qu’il avait envie d’égorger les voisins parce qu’ils avaient l’air de glousser joyeusement et que ça le rendait encore plus aigri. Le rouquin ferma son livre, de rage et fila sous la douche. Il ressortit et tomba nez à nez avec une plante de Ken qui tirait sérieusement la tronche. Ce qu’il allait faire de sa soirée ? C’était tout trouvé. Cette plante en fin de vie lui donnait une excellente raison d’aller vor son vieux pote, si raison il fallait. Il se prépara, étalant généreusement l’anticernes sous ses yeux pour camoufler tant bien que mal sa dégaine de zombie. Il se coiffa à la hâte et enfila la première tenue qui lui tomba sous la main avant de sortir, sans oublier d’embarquer la plante dans un sac en carton.

Il ne pensa qu’en arrivant au pied de chez Keneth qu’il aurait pu le prévenir. Mais c’était un peu tard pour ça. Et en plus… rha merde, il avait encore oublié son téléphone. Tant pis, ça serait à l’improviste donc, en espérant que le barman ne bossait pas ce soir. Il toqua à la porte et sursauta en entendant un cri. Qu’est-ce qu’il foutait encore ? Au moins il y avait quelqu’un mais apparemment il.. tombait… mal. Le rouquin eût un mouvement de recul en voyant la mine de son ami, son teint blême, ses yeux rougis et larmoyants. Qu’est-ce qu’il foutait ?

« Keny… ça va ? »

Demanda-t-il en s’engouffrant dans l’appartement. Il baissa bien vite le regard vers la main que le grand brun tenait et releva le visage vers lui. Au moins, il n’était pas le seul à ressembler à un zombie. Ce qui n’avait … rien… de rassurant en fait.

« Non non… désolé… je débarque un peu à l’improviste, j’avais envie de te voir. Mais je te dérange.. peut-être ? T’es tout seul ? Tu t’es fait mal ? »

Il s’avança un peu et posa son sac dans l’entrée, avec sa veste qu’il ôta. Pour sa plante, ils verraient ça plus tard. Ken avait vraiment l’air livide et ça l’inquiétait. Qu’est-ce qui avait pu le mettre dans un état pareil ?

« Ça fait plaisir de voir que j’ai de la concurrence pour la tronche de zombie ! »

Ne put-il s’empêcher d’ajouter pour masquer un tout petit peu son inquiétude, même si le ton n’y était qu’à moitié.