Intruders among the graves. (Gabriel & Kasper)

Cette semaine, tu travailles de nuit. Toi, tu pensais que ça allait être une journée, ou plutôt une nuit de boulot comme toutes les autres, mais finalement, non. T'as pas vraiment prévu ce qu'il allait se passer. Quand t'es arrivé au cimetière, lieu de ton travail, tu as reprit ton petit train train quotidien. En plus, en temps normal, tu passes la nuit seul, parce que dans un cimetière, la nuit, dans le noir complet, ça fait une ambiance morbide et un peu flippante, donc en général, ça éloigne les gens, et tu es tranquille. Mais là, tu sentais qu'il y avait quelque chose de pas normal, pas comme d'habitude. Un petit sourire sadique sur les lèvres, tu te dis que peut-être, en plus du boulot du gardien, tu vas pouvoir chasser aussi. Le pied! Toujours est-il que tu devines que t'es pas tout seul en voyant une ombre bouger au loin. Les oreilles grandes ouverte et les yeux tout aussi ouvert, tu choppes ton arbalète. Tu regardes au loin, fixement, en la calant sur ton épaule. Toujours un élastique autour du poignet, tu le retires et tu t'attaches les cheveux. Sans bruit, sans mouvement brusques. T'as une petite mèche de cheveux qui s'est échappée de l’élastique et qui se soulève légèrement en flottant, caressée par un petit coup de vent.

Des petits pas, tu fais des tout petits pas, sur tes gardes, prés à agir si il se passe quelque chose. Si il y a un intrus dans ce cimetière, tu vas le supprimer. Tu tournes la tête vers la droite rapidement, quand tu entends un bruissement. T'es à l’affût du moindre petit bruit, du moindre petit mouvement que tu détecterais. Tu te rapproches de l'endroit où tu as vu l'ombre tout à l'heure. Doucement, mais surement. Tu regardes la tombe, sans cligner les yeux, la moindre seconde d’inattention peut devenir une grosse erreur et quelque chose de fatal, surtout pour toi, en tant que chasseur. Tu braques ton arbalète dans la seconde et tu te tournes à l’endroit où ça bougeait. T'es prêt à tirer, mais... Rien. Rien du tout. Soit tu es en train de devenir dingue et tu as halluciné, soit on se fout de ta gueule, soit tu as a faire à quelqu’un ou quelque chose de plus doué que tu croyais.

Tu te retournes, et cette fois, c'est à l'autre bout du cimetière que ça bouge, cette fois-ci, tu es sûr de ne pas avoir halluciné. Tu entends un cri. Pas le temps de réfléchir, pas le temps d'établir un plan. Action, réaction. Tu te précipites vers l'endroit d’où provient le cri. Tu cours, à chaque fois que tes pieds se poses par terre, ça gratte le gravier bien entretenus des allées du cimetière et sa résonne légèrement, répercuté contre les tombes aux alentours. Au moment de tourner, ça fait comme un genre de léger dérapage, projetant quelques cailloux sur la tombe qui se trouvait là, juste à côté, dans l'angle.

Ta course est soudainement interrompue brutalement. Tu te sens décoller du sol, pendant un instant, tes pieds ne touchent plus le sol et t'étales lourdement sur le gravier de l’allée, à plat ventre. Ton pied à buté contre une masse non identifié. Te retournant dans la seconde pour voir le responsable de cette chute, tu vois un corps allongé au sol. Quelque chose ne va pas, en temps normal, les mort sont sous la surface du sol, pas en plein milieu de l'allée à la vue de tous. Tu ne l'avais pas aperçu, trop concentré dans ta course, trop prit dans ton observation au loin, là ou quelque chose remue, la pénombre n'aide pas vraiment, en plus.

Tu tâtonnes ta poche arrière, à la recherche de ta lampe torche. En temps normal, t'aimes pas utiliser de lumière, ça te rend trop vulnérable, trop repérable et visible, surtout dans le noir comme maintenant. Mais là, ça va t'aider à identifier la masse qui ressemble fortement à un corps humain. Tu diriges le faisceau vers la chose. C'est un homme! C'est quoi ce bordel? Qu'est-ce qu'il fait là, allongé là en pleine nuit lit? C'est un mort? Prudemment, tu t’approches, lampe éteinte pour ne pas te faire repérer un peu plus que tu ne dois 'être déjà. Tu rampes vers lui et tu le retournes pour voir sa tête. Tu le connais, en plus. Ce corps de ver de terre humain, tu l'as trop souvent vu. "Gabriel." T’empêchant de crier, de surprise, de stupeur, d’énervement de le voir là, dans ce cimetière en pleine nuit, allongé là, tu as juste chuchoté son nom, l'air agacé.

La chasse ne s’est pas passée comme prévue. En cette nuit de pleine lune, l’occasion de mettre fin à la vie d’un loup garou solitaire était l’occasion rêvée. Si Gabriel excédait au combat au corps à corps, il ne s’y risquait que rarement face à un lycanthrope. S’il était mordu, il serait contaminé à son tour. Avec un vampire, c’était différent. Prendre des coups, être mordu, ça ne signifiait pas forcément qu’on allait devenir une créature de la nuit à son tour. Un neuf millimètre à la ceinture, des munitions, et surtout des balles uniquement en argent. La procédure était simple. Rester camouflé autant que possible face à la bête, attendre qu’elle s’éloigne suffisamment de tout, la traquer et enfin l’abattre une fois dans un lieu isolé. Le loup était sorti des bois. S’était approché un peu trop près de la ville au goût du chasseur. Cette bête n’appartenait à aucune meute, et ces loups solitaires et égarés étaient bien souvent les plus dangereux. Ils n’avaient pas d’alpha pour les brider.  Bien souvent, ces pauvres âmes erraient sans comprendre leur nature. Ils étaient des êtres instables, devenus loups à cause d’une morsure à laquelle ils avaient tout de même réussi à survivre.

Finalement, les êtres qu’il aimait le moins tuer étaient les loups garous. Les vampires ? Ils n’étaient que des monstres assoiffés de sang. Jamais en dix-huit ans de carrière il n’avait rencontré un vampire sympathique ne cherchant pas à faire de lui son quatre heures.  Les loups eux, étaient différents. Ils étaient entre l’homme et la bête. Tuer ceux qui faisaient partie de meutes bien organisées, Gabriel ne le faisait pas. Tout comme il ne tuait pas les sorciers inoffensifs. La Holy trinity avait interdit la chasse aux sorcières, certes. Les wiccas n’étaient pas dangereuses pour la plus part, tout comme ceux qui pratiquaient le chamanisme. Mais que dire de ceux qui pratiquaient le vaudou et la magie noire ? Discrètement, et sans en parler à personne, l’asiatique en avait déjà tué une petite dizaine.

A l’image d’une sorcière wicca faisant partie d’un coven, un loup au sein d’une meute était souvent plutôt inoffensif. Se transformer dans les bois, loin de la population humaine pour que la bête n’attaque pas les gens, pour qu’il n’y ait pas un véritable massacre. Les loups nés de manière naturelle d’au moins un parent lycanthrope étaient souvent ceux se maîtrisant le mieux. Mais ces pauvres bêtes, qui n’avaient rien demandé et qui n’appartenaient à aucune meute ?... Les tuer c’était leur rendre service.

Un signe de croix, un petit Requiescat in pace murmuré, et l’asiatique avait tiré sur sa cible. Loupant la tête pour tirer finalement dans l’épaule. La bête enragée et blessée l’avait poursuivi un moment, jusqu’au cimetière. Jusqu’à un cul de sac, où le chasseur avait bien failli être mordu. Sortir un pieux en argent pour le planter dans le cœur, se faire griffer par l’animal au niveau du torse et entendre la pauvre chose partir en jappant pour agoniser plus loin. Le cri de douleur du tatoué transperce la tranquillité du cimetière. Gémissent de douleur face contre terre, son pistolet à la main voilà qu’il se demande s’il va y laisser sa peau une bonne fois pour toutes. Des pas précipités se font entendre. Est-ce un vampire ? Un lycan ? Un humain ? Rassuré par la lampe torche, le quadragénaire blessé grogne en reconnaissant la voix de l’autre homme murmurant son prénom. « Kasper, y a un lycan en train d’agoniser dans le coin. Faut que t’aille le finir, il est salement amoché lui aussi. » Roulant sur le coter en gémissant de douleur, l’asiatique tend son arme au blond. « Vas-y mon minet, oublie pas de lui arracher le cœur pour être sûr que ce soit terminé » Grimaçant à cause de la griffure, il s’empresse tout de même de rassurer l’autre chasseur « Il est parti en jappant pour aller lécher ses plaies. T’inquiète pas pour moi, ce n’est pas une morsure. » Retenant son collègue par le bras, toujours au sol, voilà que Gabriel murmure « Tu peux te signer avant de le tuer ?... Histoire de demander à dieu qu’il ait pitié de son âme. »