Le soleil se levait comme toujours à l'est.
La mer continuait de fouetter assidûment les falaises, rongeant ce qu'elle pouvait dans cette éternelle guerre qui n'en finirait jamais.
L'île de Skye dormait encore, mais comptait un coeur de plus.
"Bienvenue mon fils." déclara avec fierté John McCollough, serrant dans ses bras le petit être que la sage-femme venait de lui remettre, incapable de réaliser qu'il lui appartenait entièrement et que désormais, son sort reposait entre ses mains.
Tout avait si facile jusque là : il aimait sa femme, possédait sa maison et vivait chichement mais dans le bonheur le plus total.
Et voilà qu'en quelques instants, on lui confiait la plus grande responsabilité du monde : garder cet être en vie.
"Comment désirez-vous l'appeler ?"' lui demanda la sage-femme qui était restée à ses côtés, craignant sans doute que le géant ne sache pas y faire avec le nourrisson.
"Braeden. Comme mon grand-père."Braeden McCollough était officiellement né. Officieusement, il était toujours humain.
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Sa première transformation eut lieu quand il avait 14 ans. Il ne se rappelle de rien sinon de la douleur, des hurlements et des mains griffues qui tentaient de la maintenir au sol alors qu'on passait des chaînes autour de ses poignets.
Les pleurs de sa mère, devenue hystérique, refusant l'évidence.
Les grognements de son père qui réalisait que son rejeton avait hérité de sa malédiction.
Il passa cette nuit de pleine lune enfermé à la cave, délirant à moitié, et en ressortit avec l'impression sordide d'être un monstre. Si les paroles de son père réussirent à l'en dissuader en partie, les regards mauvais et froids de sa mère faillirent le faire capituler.
Elle ne lui adressa plus jamais la parole à partir de cet instant, malgré l'insistance de son père et les nombreuses tentatives de Braeden pour lui prouver qu'il était toujours son fils.
Rien n'y fit.
Alors à 18 ans, ne supportant plus l'atmosphère étouffante du foyer familial, il s'inscrivit à l'université d'Edinburgh pour ne plus jamais remettre les pieds sur l'île.
Officiellement, il devenait étudiant et majeur. Officieusement, il était enfin lycan.
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"Je t'aime...."
"Moi non plus."Ils éclatèrent de rire entre les draps et Braeden lui vola un nouveau baiser. Incapable de résister au goût sucré de ces lèvres, de s'extirper de la chaleur du corps de cette femme.
C'était elle qui l'avait rencontré, alors qu'il n'était qu'un étudiant paumé qui cherchait encore sa voie dans ce monde. Elle qui l'avait présenté à la meute Lachlan. Elle qui avait appuyé sa candidature alors qu'il souhaitait les intégrer.
C'était elle qui s'était glissé dans le lit du jeune homme en plein milieu de la nuit, pour n'en ressortir qu'une semaine plus tard, comblée et heureuse.
On raconte que certains loups trouvent leur âme-soeur et s'en imprègnent à tout jamais, pour ne vivre que pour elle et à travers elle. Sarah était sans doute son âme soeur, même si son loup restait muet chaque fois que Braeden essayait de comprendre cette force qui le poussait inlassablement à rejoindre la jeune femme.
La meute l'avait bien accepté et il s'y consacra corps et âme, heureux d'avoir enfin trouvé un foyer accueillant qui le comprenait et l'acceptait pour ce qu'il était.
Avec le temps, sa force grandit... Se décupla. Et on en vint à admettre que Braeden était quelqu'un sur qui l'on pouvait compter. Loin d'être ce genre de loups à vous poignarder dans le dos, on pouvait croire en lui et lui faire confiance. Il le prouva maintes et maintes fois, et bientôt sa loyauté ne fut plus mise en doute.
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"Braeden, je suis enceinte."Et c'est ainsi qu'officiellement, Braeden McCollough devint papa d'un petit Aaron McCollough. Qui devint à son tour la fierté de son père.
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Il ne sut pas ce qui l'anéantit le plus : savoir que Sarah était morte, ou savoir que Sarah n'était pas son âme-soeur puisque lui-même survivait, son loup refusant de le laisser dépérir et se battant pour deux dans un même corps.
Tout loup qui perdait son âme-soeur se laissait invariablement mourir pour la rejoindre, incapable de supporter un monde sans elle. Mais le sien demeurait sourd aux suppliques de l'humain, refusait de le laisser mourir et continuait de respirer avec une énergie têtue.
Aaron avait 17 ans et John 14. Ses deux fils furent là pour le soutenir, même si la perte de leur mère fut également une tragédie pour eux, et avec le temps, Braeden comprit qu'il ne pouvait pas baisser les bras. Pas quand John commençait ses premières transformations et qu'Aaron se faisait sa place au sein de la meute d'Edinburgh. Ils avaient besoin de lui, tout comme lui-même avait besoin d'eux, son loup refusant de laisser sa progéniture sans un minimum de protection.
Son rôle de protecteur au sein de la meute grandit et il fut nommé Skoll, c'est-à-dire quasiment un garde du corps pour l'alpha. Il en fut honoré et en même temps inquiet, comprenant que de grandes responsabilités reposaient désormais sur ses épaules.
Et depuis, malgré la mort de sa Sarah, malgré sa solitude grandissante et l'impression parfois de se battre contre des moulins à vent, Braeden se démène pour la meute. On a finit par le surnommer l'Infranchissable, car l'admiration qu'il voue à son alpha dépasse l'entendement, et que personne n'arrivera jamais à franchir la barrière qu'il mettra entre le loup et les dangers potentiels.
Si on admire sa sagesse et sa retenue, on sait également que le loup n'est jamais loin et que d'un coup de griffe violent, Braeden peut vous arracher la figure et hurler sa victoire. Car l'eau qui dort est toujours dangereuse...