(rosemay&cináed) ◇ frienship & costumes, perfect combo

Rosemay & Cináed

Bougon, Cináed enfourcha sa moto avant de démarrer au quart de tour. Il venait de quitter son appartement à reculons, très peu pressé d’arriver à destination. Fêter Halloween était une tradition qui avait la dent dure, surtout dans un pays bercé par la culture celte tel que l’Écosse. On célébrait la fameuse soirée horrifique, là où la famille pouvait se réunir, les jeunes se faire peur et les enfants se goinfrer de bonbons. Pour le fils McIntyre, Halloween était surtout la veille de la fête des morts. Le lendemain, il irait se recueillir la plupart de la journée au cimetière auprès de la tombe de son père. Ca n’était pas un rituel nostalgique et emprunt de tristesse mais bel et bien un hommage qu’il lui rendait, pour chaque visite, pour chaque heure qu’il passait auprès de lui. Il n’était jamais triste, il ne se montrait jamais abattu à l’anniversaire de la mort de son père – rien que par respect pour Mairead. Mais chaque année qui passait alimentait un peu plus sa solitude, l’éloignant un peu plus de l’amour de ses proches et de la communauté d’Édimbourg. Ainsi, lorsque Rosemay lui avait proposé de participer à la soirée d’Halloween organisée au fameux Dungeon, lieu mystique et emblématique de la ville, il avait d’abord cru à une plaisanterie. D’autant plus que la soirée était déguisée et que la jeune femme venait expressément de lui proposer, ou plutôt de lui imposer, de l’accompagner à la recherche de ces accoutrements. Encore et encore, il se souvenait de sa réaction : « J’ai une gueule à me grimer ? » puis de son avis à propos de ce prochain événement : « C’est pour les pingouins qui veulent faire dans le public, quel est l’intérêt d’aller se montrer ? » Pour cause, tous deux étaient des archivistes, deux personnes dont le secret était devenu l’adage pour le bien de la communauté. Ne devaient-ils pas faire profil bas ? Ne devaient-ils pas éviter d’attirer l’attention sur eux ? Pourtant l’occasion était belle : là se trouvait l’opportunité d’étudier la moindre créature vivante au sein d’une foule de convives prêts à faire la fête. Il n’y aurait pas de scandale ou de faits obscurs puisqu’il était persuadé que les races étaient jugulées par leurs lois et la discrétion qui allait de paire avec leur existence. Au final, quelque chose de bien ennuyant.

C’était peut-être pour cette raison, par inconscient, que Cináed était à nouveau en retard. Si ça n’excédait pas la poignée de minutes, il essayait déjà de deviner les remarques auxquelles il aurait droit de la part de son amie d’enfance. Elle était tout aussi ponctuelle qu’il pouvait se montrer négligent mais en règle générale, il faisait toujours l’effort pour elle. Depuis quand le trentenaire faisait-il preuve d’une telle faiblesse ? A l’instar de sa petite sœur, la fille Sinclair avait toujours le dernier mot et à l’époque où leurs pères avaient espéré les marier, Donald avait plusieurs fois répété qu’elle serait celle qui parviendrait à dompter l’ours. Des souvenirs qui le faisaient sourire alors qu’enfin il se garait devant la boutique. Avec un peu de chance, il ne croiserait personne de connu en ces lieux étranges. Il laissa Rosemay qui l’avait rejoint déposer un baiser sur sa joue, sur la pointe des pieds, puis de l’étreindre brièvement. Cináed n’était pas le meilleur aux effusions et aux salutations affectives, aussi il la laissait toujours prendre l’initiative. Néanmoins, sa bravoure atteignait ses limites quand elle lui rappela son retard ainsi que la raison de leur présence ici, il ne put réprimer une grimace avant de répliquer sur un ton réellement ronchon : « On peut pas aller boire ou manger un truc plutôt ? Je t’offre même un sac si tu veux. » Acheter les femmes avec du shopping pour éviter justement une séance de shopping particulièrement éprouvante... Les idées lui manquaient. « J’ai pas le choix. Mais je te préviens j’essaie rien. »

Rosemay prit les choses en mains et alpagua un vendeur afin de recueillir quelques idées. Elle se montrait comme au travail : déterminée, franche, presque autoritaire. La jeune femme ne payait pas de mine avec son minois d’ange et sa silhouette frêle car elle était quelqu’un qui savait ce qu’elle voulait, et il était hors de question de la détourner de ses objectifs malgré une douceur évidente. Presque soulagé de voir le visage déconfit du vendeur qui partit à la recherche de costumes, Cináed plongea ses mains dans ses poches et afficha une mine presque réjouie. « Je crois qu’à cause de toi, ce mec-là va vouloir aussi oublier son boulot en rentrant. » Oui, il laissait penser qu’elle était une cliente tyrannique, ce qu’elle confirma en lui présentant un déguisement ridicule de lion. Alors toute trace de sourire disparut de son visage barbu. « C’est une blague ? T’as pris en cachette un appareil photo pour publier les preuves de mon humiliation, non ? » Il repoussa la main de Rosemay de cet immonde portemanteau avant de riposter à son tour. « Et ça, ça va avec ta taille non ? » Oui, il venait de lui proposer un costume de leprauchaun, autant rester dans le folklore.