None of us are here (asher)

 None of us are here

Ce n’était pas la première fois que je passais en douce à la maison. En ce moment, je faisais que passer. Je profitais de l’absence de Miles pour dormir un peu, me doucher et me changer. J’arrivais peu de temps après son départ pour le boulot et je repartais juste avant qu’il revienne.  C’était pour éviter qu’on se croise et qu’on s’engueule encore comme des chiffonniers. Il continuait de me harceler pour que je change de job. C’était beau, l’espoir.  
Aujourd’hui, pas d’exception. Je passais rapidement.  Je ne comptais pas rester dormir, ceci dit. J’irais dormir ailleurs.  Un ami m’avait proposé de squatter son appartement pour la journée. Donc j’allais entrer rapidement dans la maison familiale, prendre deux ou trois fringues et repartir.
L’avantage, quand on avait fait le mur très souvent, comme moi, c’était qu’on connaissait les entrées de la maison sur le bout des doigts.  Passer par la porte ? Haha. Trop facile.  
En longeant le bâtiment, j’accédais à une fenêtre qui donnait sur le salon. J’avais appris à l’ouvrir depuis l’extérieur il y avait des années de ça. Quand je rentrais après avoir passé la nuit dehors avec des fréquentations tout sauf fréquentables et que je ne voulais pas me faire pincer par Miles, cette fenêtre était le meilleur moyen de retourner dans ma chambre et de faire comme si j’avais passé la nuit à la maison. Bon, ça n’avait pas empêché Miles de m’attraper sur le fait, un soir. J’avais entendu parler du pays et mes oreilles s’en souvenaient encore. Cela ne m’avait pas empêché de recommencer, en revanche.
Passer par la fenêtre, je l’avais fait tellement souvent que ça en devenait trop facile. J’atterris donc dans le salon, avec ce fichu plancher qui craquait sous mes pieds.  Je refermai la fenêtre et retirai une brindille de mes cheveux.  Cela faisait des années qu’il aurait du tailler cet arbuste.  Je regardai autour de moi. A priori, la maison était déserte.  
Ou pas.
Parce qu’alors que je me dirigeais tranquillement vers ma chambre, je me suis soudain retrouvé avec un canon à quelques centimètres du visage.  C’est en poussant un cri de surprise que je sursautai avant de reconnaître le visage de la personne qui me menaçait avec une arme.
« Maddie ?! Mais ça va pas bien, non ?!  ».
Bordel, elle était dingue.  Je poussais un soupir de soulagement en la voyant poser l’arme sur le meuble à côté d’elle.  Bon, passons le fait qu’elle soit armée. La vraie question était… Qu’est-ce qu’elle foutait là ? Le pire, c’était qu’elle avait le culot de m’engueuler sur ma façon d’entre comme un voleur. Et qu’elle était… en sous-vêtement. Oh bordel de…
Je me forçai à regarder son visage et pas autre chose.  Je n’avais pas envie qu’elle me tire dessus parce que j’avais laissé trainer mes yeux là où il ne fallait pas. Et puis merde, ça faisait un moment que je la connaissais.  C’était un peu une seconde maman, même si elle me tuerait probablement pour avoir dit ça. Elle nous avait suffisamment engueulé Gidéon et moi pour que je sache qu’il valait mieux l’avoir de mon côté.  Et à la voir me fixer avec cet air sévère, je me retrouvais projeté des années en arrière, quand elle nous surprenait, Gidéon et moi, après une connerie.
« Qu’est-ce que tu fais là, j’peux savoir ?  ».
A mon tour de croiser les bras, tiens.  Moi j’avais une bonne excuse, je vivais ici. Même si je passais en douce. Maddie, non. Il y avait un truc. C’était certain.  J’avais remarqué que mon père était un peu plus… joyeux ces derniers temps.  Enfin, moins chiant, quoi. Et comme par hasard, je surprenais Maddie en sous-vêtement chez nous.  

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Le ballon d’eau chaude ? J’haussai un sourcil peu convaincu. Non mais bien sûr, c’était tout à fait crédible de croiser la mère de son meilleur ami en sous-vêtement à neuf heures du matin chez son propre père sous l’excuse du ballon d’eau chaude. J’avais dix-neuf ans. Ce mensonge aurait très bien pu marcher quand j’en avais douze.  J’allais faire comme si j’avais rien vu et comme si je la croyais.  C’était quelque chose à ma portée.
Tu bouges pas de là, qu’elle dit avant de filer dans la salle de bains.  Non mais… Je bougeais si j’voulais, hein ? J’avais besoin de me changer après la nuit que je venais de passer. Mes fringues étaient imprégnées d’un mélange de tabac froid et d’alcool.  J’irais prendre une douche plus tard. Je filai donc rapidement vers ma chambre pour me débarrasser de ces vêtements et j’en enfilai des nouveaux, dont mon sweat à capuche affichant le nom d’un des mes groupes préférés. En passant devant le miroir de ma chambre, j’en profitai pour regarder la tronche que j’avais. Je passai rapidement une main dans mes cheveux pour les replacer et décidai d’ignorer les cernes de deux mètres de long que j’avais sous les yeux.
En retournant dans le salon, je cherchai Maddie du regard. Elle se trouvait dans la cuisine et elle m’avait entendu arriver puisqu’elle me demanda si j’avais mangé, tout en m’annonçant que Miles ne serait pas de retour avant un moment.
« Nan, j’ai pas eu le temps. Je rentre directement du boulot, là. Comme on avait l’inventaire à faire après la soirée, ça a duré plus longtemps que prévu  ».
J’hochai la tête en guise de remerciement en prenant la tasse de café qu’elle me tendait.  Bon. Elle me donnait de quoi m’interroger quand même. Depuis quand son ballon d’eau chaude était cassé exactement ?  Le café était encore chaud et vu la rapidité avec laquelle je m’étais changé, elle n’avait pas eu le temps d’en faire. Je l’aurais entendu, sinon. Mon père avait certainement laissé une cafetière à son intention. Et ces petites attentions, ce n’était pas son genre. Continue de me prendre pour un imbécile, Maddie.  Je devais avouer qu’elle était très douée pour noyer le poisson. Je retins difficilement un sourire. Mon père et Maddie ? Cette option ne me dérangeait pas le moins du monde.  Je pourrais l’embêter un peu en l’appelant belle-maman. Oh que oui.  Et puis, j’avais vu le changement dans le caractère de Miles ces derniers temps. Si c’était bien ce que je pensais, Maddie lui faisait du bien. Lui et moi, on était incapables de communiquer autrement qu’en se gueulant dessus, mais ce n’était pour autant que je le détestais. Loin de là. Il ne savait pas juste pas comment s’y prendre avec moi. Et je ne l’aidais pas non plus, en vérité. Je faisais tout pour le faire enrager. De ce côté-là, je n’étais pas comme Max. J’avais conscience qu’il ne méritait pas ça. Mais c’était plus fort que moi. Un psychiatre raffolerait d’un cas comme ça, tiens.
Bref, s’il y avait quelque chose entre Maddie et Miles, c’était plutôt une bonne chose. Cela pourrait expliquer sa souplesse envers moi, ces derniers temps. Oui, je savais qu’il n’avait pas fait changer les serrures. Je savais aussi que mon exclusion de la maison familiale n’était que temporaire. J’étais allé un peu loin la dernière fois aussi et c’était à moi de m’excuser.  C’était son anniversaire dans pas longtemps d’ailleurs. J’irais lui acheter un cadeau pour montrer patte blanche. Les gens qui me connaissaient savaient que dire un truc aussi simple que « je suis désolé » m’arrachait littéralement la bouche.  Miles et moi, on marchait comme ça depuis des années.  Au lieu de nous excuser directement, on préférait le faire par des moyens détournés.  D’où le sweat que je portais actuellement. C’était un cadeau de réconciliation. Une réconciliation qui n’avait pas duré longtemps puisque juste après, j’avais fait le con et j’avais dû à mon tour lui offrir quelque chose pour dire que j’étais désolé. En général, c’était les bouteilles de whisky. Avec ça, j’étais certain de ne pas tomber à côté. On pouvait presque dire que je contribuais à son alcoolisme.  
« A la base, je passais juste prendre quelques affaires. J’ai oublié mes clés au boulot, et comme je pensais qu’il n’y avait personne… ».
J’étais obligé de me justifier alors que je vivais encore ici jusqu’à preuve du contraire. On croirait rêver. En plus, pour ma défense, Miles devait se douter que je passais en douce.  Je faisais justement exprès de laisser quelques traces de mon passage pour lui dire que j’étais passé. Et s’il n’avait pas encore changé les serrures depuis le temps, c’était que ça l’arrangeait, quelque part. On avait véritablement un problème de communication, dans cette famille.  Les mots, ce n’était pas notre truc.
« Dis-moi, ça fait longtemps qu’il est cassé, ton ballon d’eau chaude ? ».
Je lançai innocemment cette question. Maintenant que la possibilité qu’il se passe un truc entre Miles et Maddie était de plus en plus présente dans mon esprit, je n’allais pas me priver pour chercher d’autres preuves.

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Tu fais chier Asher. C’était ce que j’entendais très souvent, en ce moment. Enfin, je l’entendais surtout de la bouche de Miles. Loin de m’offusquer, je fis le choix d’en rire. Parce que ça voulait dire que j’avais touché dans le mille.  J’avais raison concernant l’excuse du ballon. J’avais démasquée Maddie et ça, elle l’avait mauvaise. J’allais quand même continuer à la titiller. Parce que ce n’était pas drôle, sinon, vous comprenez ?  Je gardai donc le silence en la fixant, attendant de voir au bout de combien de temps elle allait finir par craquer.
Et la réponse était… approximativement trente secondes, puisqu’elle finit par se tourner vers moi pour me parler. Une fois de plus, je lâchai un petit rire. Maddie n’était pas du matin, ça, je le savais déjà. Tout comme Gidéon, d’ailleurs. Celui-là, il valait mieux ne pas lui parler tant qu’il n’avait pas bu son café.  
« En fait, je me demandais depuis combien de temps ça durait, entre mon père et toi ».
Parions sur sa réaction. Premier choix, elle allait me dire que ce n’était pas mes affaires, que je ferais mieux de m’occuper mes fesses et que au pire, qu’est-ce que ça pouvait me faire ? Deuxième choix, elle allait nier, me dire qu’il ne se passait rien du tout, même si les preuves jouaient contre elle. Troisième choix, elle allait noyer le poisson. Je pariais plutôt sur ça. C’était dommage, parce qu’elle et Miles faisaient un beau couple. Je n’aurais probablement pas été aussi clément envers une autre femme que la mère adoptive de mon meilleur ami. Tout cela me rappelait quand avec Gidéon, on plaisantait en disant que si jamais mon père et Maddie sortaient ensemble, on serait frères par alliance.  Avoir Gidéon comme frangin ? C’était presque le cas, déjà. On partageait presque tout. J’ai bien dit presque. Gidéon ignorait l’existence de Seth, par exemple.  Et je ne lui avais pas parlé du monde du surnaturel.  Quelque chose me disait qu’il valait mieux que je passe sous silence ces deux choses quand j’étais avec lui.  
La question de Maddie m’arracha de mes pensées.  C’était si habituel que ça, que mon père me foute dehors ? Non quand même pas. Ce n’était arrivé qu’une ou deux fois. En plus, là, oui, j’avais dépassé les bornes. Je n’étais pas spécialement fier de moi.  J’avais eu la merveilleuse idée de profiter d’une de mes nuits de congés pour aller voir des amis pas très fréquentables. Ils organisaient une fête et il y avait des substances pas très légales qui avaient finies par tourner. J’en avais pris quelques unes. J’étais tellement défoncé à ce moment-là que je me suis fait embarqué par les flics qui sont arrivé pour nous demander de mettre fin à la soirée parce que ça empêchait les voisins de dormir. J’étais également tellement défoncé que j’avais eu la brillante idée d’utiliser mon seul appel pour demander à Miles de venir me chercher. Non seulement il n’était pas venu en disant que ça allait me servir de leçon, mais en plus, à mon arrivée à la maison le lendemain, il m’a fermé la porte de la maison au nez en me disant que je pourrais revenir quand je cesserai de me comporter comme un gamin immature. Donc, oui, là, c’était de ma faute. J’avais sacrément merdé. Oh que oui.
Je baissai la tête, cherchant ce que j’allais répondre à Maddie. Avouer à la mère de son meilleur ami qu’on s’était fait mettre à la porte parce qu’on avait consommé de la drogue, ce n’était pas le meilleur choix qu’on puisse faire.
« J’ai… hum…  ».
Oh tiens, je n’avais jamais remarqué ces motifs sur cette tasse de café.
« Bon, j’ai merdé.  J’ai consommé de la drogue à une soirée, mon père l’a su et m’a dit que je pourrais remettre un pied dans la maison quand j’arrêterai mes conneries  ».
Autant y aller franco. Et puis comme ça, Maddie allait peut-être me dire depuis combien de temps elle fréquentait mon père ? Laissez-moi rêver.  Au pire, elle m’engueulerait. Et ce ne serait pas la première fois qu’elle me remonterait les bretelles.

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J’avais prévu de prendre une douche, mais une douche au café, non merci.  Je restai figé quelques instants. J’avais encore perdu une bonne occasion de fermer ma gueule, moi.  Quand Maddie se saisit du paquet de biscotte qui trainait pour me frapper en ponctuant chaque mot par un coup, je me dis que oui, en effet, j’avais perdu une bonne occasion de la fermer. Ça m’apprendra à être honnête, ça, tiens.  Je lâchai quelques « aie » en tentant vainement de me protéger avec mes bras, sans tenir compte des morceaux qui s’échappaient du paquet pour voler tout autour de nous.  Note pour moi-même : annoncer à la mère de mon meilleur ami et accessoirement la copine de mon père que la raison pour laquelle j’avais été viré de la maison était que j’avais pris de la drogue, c’était la pire idée du siècle.  Quand elle arrêta de me frapper, je gardai toujours les deux bras devant mon visage, risquant un œil vers elle. On ne savait jamais, des fois qu’elle veuille m’en redonner du rab.  Non, au lieu de ça, elle en rajouta sur le fait que j’avais été con. Oui, bon, ça, je le savais. Ce n’était pas comme si je regrettais cette décision.  Ce n’était pas la première fois que je me faisais arrêter, ni la première fois que je me droguais. Ils me connaissaient bien, au poste de police. J’avais passé plusieurs nuits en cellule de dégrisement, influencé par mes fréquentations.  Gidéon avait raison, je devais vraiment me séparer de ces débiles. Ils ne m’attiraient que des problèmes en plus d’avoir mauvaise influence sur moi. Bon, ce n’était pas comme s’ils m’avaient drogué à mon insu. J’avais pris de la drogue en toute connaissance de cause. Je n’avais juste pas prévu que les flics se pointent chez l’autre couillon, là. Cette fois, je ne pouvais pas m’en sortir avec juste un avertissement, des gros yeux et le sermon paternel, puisque j’étais majeur depuis un an.  J’avais encore à répondre de ces conneries.  Donc oui, Maddie avait raison. J’étais con. Je ne regrettais pas la prise des substances, nan, je regrettais d’avoir été chopé avec  ça dans le sang.  Et heureusement que j’avais rien d’autre qu’un joint sur moi. J’aurais pu écoper de pire.
Maddie était furieuse. Je ne m’attendais pas à cette réaction, à vrai dire. Enfin, qu’elle m’engueule, oui. Mais qu’elle me tabasse avec un paquet de biscotte, non.  Je tiquais néanmoins en l’entendant parler du V.  Jamais de la vie.  Je ne touchais pas à ça et je n’en avais pas l’intention.  Mon travail me mettait très souvent au contact de consommateurs de V. Et je n’aimais pas particulièrement quand ça arrivait.  Surtout que maintenant, je savais de quoi était faite cette drogue – merci Seth - et je n’avais pas très envie d’en consommer.  Mais ça, Maddie n’était pas censé le savoir.  J’allais donc faire comme si je n’en connaissais pas la composition. Un problème à la fois. Du V, nan mais quelle idée ! Déjà, il n’y en avait pas à la soirée. Enfin, je supposais. J’étais pas leur mère, à la bande de drogués, là.  Eux, ils étaient défoncés en permanence, ce qui n’était pas mon cas. Je m’autorisais ce genre d’écart que très rarement, maintenant que j’avais un job qui me demandait d’être assez prudent, notamment en manipulant des verres.  Cette fois-là, je ne travaillais pas le lendemain, d'où le fait que j'ai accepté un joint amicalement tendu par un de mes « amis ».  
« Non mais ça va pas ? J’sais que j’suis con, mais pas à ce point ! Ce n’était que de l’herbe, Maddie. Rien d’autre. ».
Que de l'herbe. Oui, je minimisais la gravité de ma connerie. A côté du V, l’herbe, c’était rien. Vraiment.  Mais comme il fallait que je la rassure avant qu’elle ne s’imagine que je lui racontais des craques, j’ajoutai :
« J’ai pas fait ça pour emmerder mon père, hein. Pour une fois, c’est vraiment parce que je me suis laissé tenté, que j’ai pas réfléchi aux conséquences et que j’avais pas prévu que la police débarque chez l’autre crétin pour tapage nocturne.  Je ne toucherais plus à ça, si ça peut te rassurer.  ».
Vas-y, Asher, enfonce-toi.
Des fois, je ferais mieux de la fermer, sérieusement. Pourquoi il fallait toujours que j’ouvre mon grand bec pour empirer les choses, hein ? C’était pas la première fois que ma langue bien pendue me jouait un sale tour.

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Et on y allait pour la leçon de morale.  Et je ne pouvais même pas en vouloir à Maddie de jouer les mamans.  Enfin, si, je lui en voulais un peu. J’aurais même pu lever les yeux au ciel en marmonnant un « pourquoi faire » si je ne craignais pas qu’elle m’achève en m’éclatant son mug sur la tête.  Je n’étais pas masochiste à ce point.
Réfléchir aux conséquences, comme si je ne l’avais pas déjà fait. J’avais eu tout le temps de réfléchir aux conséquences, en cellule. Oui je n’étais absolument pas fier de moi. Parce que j’avais été pris la main dans le sac ou plutôt le pétard à la bouche.  Comme si mon casier judiciaire avait besoin de ça. Il était déjà assez rempli. Outrage à agent, violence – ça, c’était juste un malentendu – ivresse sur la voie publique et j’en passais. On pouvait dire que je cumulais. Rejeter la faute sur les imbéciles qui me servaient d’amis ne serait pas juste envers eux. J’avais également ma part de responsabilité dans tout ça, même si la plupart des délits affichés dans mon casier étaient de leur faute. Genre, la violence. Je le jure, je n’y étais pour rien. Je m’étais simplement interposé entre un de mes amis et un type qui cherchait les embrouilles. Résultat, non seulement je m’étais mangé un pain dans la gueule, mais en plus, je me suis fait embarqué à la place du pote que j’ai retenu. Et je me suis fait engueuler par tout le monde, parce que personne ne voulait me croire. En même temps, avec la lèvre supérieure éclatée, je n’avais pas l’air très crédible.  Y’avait que Gidéon qui m’avait cru. Et Max. Ces derniers m’avaient d’ailleurs proposé de retrouver l’imbécile qui m’avait fait ça, en expédition punitive. J’ai préféré oublier rapidement cette histoire.  
Ma vie en ce moment était relativement compliquée, c’est pourquoi je me passerais bien du sermon de Maddie.  Mais je n’avais pas envie de la jouer Tête de Gecko avec elle. Je savais bien qu’au fond, elle s’inquiétait. Et que la relation chaotique qu’il y avait entre Miles et moi devait probablement l’affecter d’une façon inattendue. Peut-être qu’elle savait des choses sur mon père que j’ignorais. C’était justement ça, le problème, avec Miles. Il fallait lui tirer les vers du nez pour qu’il accepte de parler. J’avais essayé de discuter calmement. Mais à force de me retrouver face à son silence buté, sa façon de jouer sur les mots et les non-dits, je perdais patience. J’avais dû lui mettre sous le nez que je connaissais l’existence du surnaturel pour qu’il m’avoue certains trucs, quand même. Et encore, il ne s’était même pas excusé de m’avoir dissimulé ces trucs. Non, il s’était contenté de me harceler pour savoir comment je l’avais su.  Seth avait eu raison. Miles me cachait beaucoup trop de chose. Mais ça, je ne pouvais pas en parler à Maddie. Je me doutais bien qu’elle voulait que les choses s’arrangent entre Miles et moi.   Elle avait beau tenter de me faire croire qu’elle ne fréquentait pas tant Miles que ça, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure qu’ils se voyaient souvent. Pourquoi mon père se montrerait-il plus conciliant face à mes conneries, d’un coup ? Le changement dans son humeur ne datait pas d’hier.  Oh que non.
Je soupirai. Je voulais bien faire un effort et ouvrir le dialogue. Mais la communication, dans cette famille, c’était bien loin d’être au point. Clairement. On préférait se lancer des remarques à la gueule et hausser la voix plutôt que de discuter calmement. Moi le premier.  Ceci dit, je n’avais que Max et Miles. Maddie avait raison. C’était énervant, mais elle avait raison. Je n’appréciais pas qu’on me mette face à mes erreurs, mais c’était ce qu’il me fallait pour me remettre dans le droit chemin. J’allais donc tenter, j’ai bien dit « tenter » de m’excuser. Et faire un effort pour me montrer patient.
« D’accord. ».
C’était tout ce que je pouvais dire. Je ne savais même pas comment j’allais procéder. Je ne savais pas comment m’excuser, à part en allant lui acheter une bouteille de whisky.  Mais je me devais d’essayer.
« Merci, Maddie.  ».
Elle avait touché dans le mille, ça me faisait chier. Mais la remercier était la moindre des choses.