only lovers left alive. GABRIEL&ECHO

Chasse. Entre les arbres qui parsèment le parc elle s'élance, à la manière d'une ombre. Discrète, cauchemars sous la lune blafarde, elle cherche un être à dévoré. Ogre agressive, solitaire, incapable d'aimer, incapable de ressentir. Sans savoir où elle allait parcourt les chemins du lieu immense espérant trouver quelques fous qui se seraient cachés ici pour la nuit. Elle n'a pas envie de jouer, elle a soif. La faim lui tiraille le corps et l'esprit. Revenant de mission, depuis peu de retour à Edimbourg, elle cherche à assouvir son envie de tuer. Monstre nocturne, elle lève les yeux vers le ciel, où les étoiles sont cachées par les nuages brumeux. La lune, seule dans le ciel, croissant lumineux, semble caresser sa peau de marbre. Elle reste sceptique, face à la beauté de cette vision elle n'est pas émue. Elle n'est jamais émue. Elle reste prostrée dans l'ombre et attend que sa proie s'avance. C'est pour cela qu'elle se trouve dans le Parc ce soir. Pourquoi le parc ? Parce qu'il n'y a personne ici à pleurer le soir. Quelques adolescents ivres. Quelques sans abris sans famille. Rien de plus, jamais rien de plus. Peut être des sorciers et des chamanes vaudous qui pensent appeler les esprits de leurs ancêtres pour faire revenir leurs amours perdus. La magie est une chimère. Un mensonge.
Elle, son amour elle l'a perdu il y a plus d'un siècle. Parce qu'elle a été faible, parce qu'elle a succombé à un désir passager, laissant le seul être qui a compté pour elle lui échapper. Manipulée, elle s'est retrouvée dans le lit d'un autre homme. Trahison. Elle avait comprit la décision de Gabriel. Elle avait comprit sa douleur, et elle aurait aimé la partager avec lui. Au lieu de cela elle était redevenue une coquille vide. Là où Gabriel avait fait naitre quelques émotions naissantes, lui rappelant ce qu'était son humanité, loin de lui elle n'était plus rien. Une coquille vide de toute émotion. Un monstre de sang qui n'a pas de limite. Nettoyeur, comédienne, elle a sut retrouver un rôle dans ce monde. Dans cet univers.

La solitude lui pèse ce soir, mais il semblerait qu'elle ne trouve rien à se mettre sous la dent. Elle grogne, quitte le sentier, et s'enfonce dans la pénombre entre les arbres. Entre les buissons. Elle ne sait pas où aller, alors elle rode. Elle inspire profondément l'air, et pense deviner la présence d'humains non loin de là. Elle entend au loin des rires et des murmures. Elle n'est pas seule. Chasseuse. Elle s'élance, les bruits de la nuit lui viennent tous soudainement. Elle entend une chouette sur la branche d'un grand arbre, le bruit d'un écureuil qui retrouve le confort de son lit, et d'un chat qui chasse des mulots. Animaux nocturnes, voyant dans la nuit comme en plein jour. Comme elle. Elle est un animal, et rien de plus que cela. Elle disparait, brume blanche qui s'étend dans les airs alors qu'elle voit devant elle le groupe d'humains qui espèrent passer une soirée tranquille loin de tout. Elle les observe un instant, mais elle comprend très vite de quoi il s'agit : des squatteurs. Des humains qui partent de chez eux, avec un sac à dos tout au plus, et qui parcourent le monde en espérant trouver ... On ne sait quoi. Trouver une inspiration, une raison d'être. Une raison de mourir ? Elle vient contre eux, brume inquiétante. L'inquiétude les gagne, angoisse soudaine.
Elle n'est pas seule. Outre ces humains quelqu'un d'autre rode. Un monstre, un animal. En chasse. Adversaire directe, elle refuse de se laisser doubler. Elle aime être seule lors des chasses, ne supportant pas d'être interrompue alors qu'elle est sur le point de tuer. De se nourrir. Elle a soif, mais elle est perturbée. Pourquoi fallait-il que soudainement elle ne soit plus seule ? Qui est là ? Qui est ce fourbe qui vient la trouver au milieu de la nuit ? La brume se dissipe et elle cherche sa némésis. Redevenant elle-même elle est à quelques mètres du groupe. Proche du vampire qui rode non loin. Discrète, parmi les ombres, elle observe tout autour d'elle. Elle le cherche du regard. Qui est-il ? Qui est-ce ? Elle rode, elle inspire l'air, et le parfum qui lui parvint la laisse tétanisée. Lui ? Impossible.

Le hasard est trop grand, la vie trop maligne. Et elle trop stupide. Elle reste sur place, sous la lueur de la lune à moitié dans l'ombre. Tableau clair-obscure d'un jeune monstre pris le fait. Par la seule personne qui compte pour elle. Son créateur. Le docteur Frankenstein a retrouvé sa créature, et celle-ci ne bouge plus. Le docteur est là, dans l'ombre. Elle ne voit pas son visage, elle refuse de le voir. Elle n'arrive pas à sourire. Elle n'arrive pas à être heureuse. Mais son corps se tend, surprise. « Gabriel... » Murmure-t-elle alors qu'elle le reconnait. Son parfum si particulier. Sa personne si unique. Pourquoi ? « Que fais-tu là ? »  demande-t-elle. Incompréhension. Impossible.  

Existence déchue, elle n'est plus qu'une ombre aujourd'hui. Pas vraiment vampire, plus humaine depuis longtemps. Monstrueuse, uniquement dominée par l'envie de tuer, de faire souffrir, de détruire. Cruelle, créature de l'enfer, qui assoit sa cruauté sur le monde. Géant, ogre des ténèbres, brûlant le corps des vierge sur l'autel de la déchéance. Immorale, indomptable, Echo s'élance dans le monde sans qu'aucune chaine ne réduisent ses pulsions à néant. Dangereuse, elle a été engendré dans le sang et le désir. Appartenant à son Sir, elle n'a jamais pu retrouver le chemin de la rédemption depuis son départ. Le chemin vers le sentiment, vers l'émotion. Amour, perdu et déchu, elle n'est plus que l'ombre de ce qu'il a voulu faire d'elle. Le souvenir d'une femme aimée et chérie. Elle n'est plus rien pour lui aujourd'hui, elle n'est plus celle qu'il aurait aimé voir. Parfois elle se demandait si Gabriel pensait encore à elle, s'il regrettait sa décision de l'abandonner dans ce château au milieu de l'Irlande. Est-ce qu'il avait regardé en arrière quand il avait décidé de la laisser devenir une partie d'un passé qu'il voulait oublier. La souffrance qu'elle lui avait infligé avait failli le rendre fou. De ce qu'elle en avait apprit plus tard, son créateur était mort, ou alors il avait tenté de le tuer. Ignorant les nouvelles qu'elle avait de cet homme qu'elle avait décidé d'oublier sans jamais y parvenir.
Durant deux siècles elle avait fait d'autres rencontres, elle avait été dans d'autres bras, incapable d'oublier Gabriel, incapable de ne pas être sienne. Morte de l'intérieur, coquille vidée de toute substance, elle avait marché sur le monde. Ombre géante parmi les monstres, observant la déchéance et les meurtres de sang avec répugnance. Avec désintérêt. A la recherche d'une place, d'un rôle. Une raison d'être, de continuer, plutôt de rester dans une chambre mortuaire à attendre de disparaître. Que devient un vampire quand il ne se nourrit plus et qu'il se laisse se déssécher dans un coin durant des siècles ? Est-ce qu'elle serait revenue à la poussière ? Vide de tout désire, de tout espoir, elle avait marché aux côtés des monstres. Camarilla. Un espoir, un désire. Et aujourd'hui un rôle. Un masque derrière lequel cacher ce qu'elle était véritablement. Loin de Gabriel, elle restait un monstre sans émotion.

Il avait fait naitre chez elle un désir, impérieux. A mesure du temps, lui rappelant ce qu'était aimer. Ce qu'était désiré. A travers le sang qu'ils partageaient, il lui avait glissé une part de son être, une part de ses émotions. Elle était devenue un être fait de passion et de dévotion. Pour lui, le désirant plus que tout au monde. Mais en partant il lui avait arraché cette part d'âme. Elle était redevenue ce qu'elle était avant cela. Rien. Néant intérieur. Sans élan, sans envie, sans raison d'être. Et à présent le voila devant elle. Elle n'osait pas le croire. Elle restait à l'écart, dos à lui, sachant pertinemment qu'il se trouvait dans l'ombre derrière elle. « Bonsoir Alice... Comme toi j'imagine, je chassais. » Elle ferme les yeux. Sa voix, issue de son souvenir le plus chérie sans doute. La boite de pandore s'ouvre, délivrant un semblant de ressenti. Un souvenir d'émotion. Toutes les fois où il l'avait guidé un peu plus loin dans les ténèbres, toutes les fois où ils s'étaient perdus sur le chemin de la dépravation et de la déchéance. Toutes les fois où ils se sont aimés, tué, assassinés, le sang coulant de leur bouche alors que leurs corps s'unissaient. Toutes les fois où il lui déclara un amour qu'elle découvrait à mesure qu'il entrait en elle, s'insinuant dans chaque partie de son être. Sa voix, inchangée, et pourtant éteinte, dénuée d'émotion. Elle se tourne, et croise son regard. Elle ne bouge plus, alors qu'il avance vers elle. Elle ne pense alors au sens des mots que maintenant. Chasser. Elle ne chasse pas vraiment, traquant la première proie qui passera pour la tuer. La soif lui tiraille la gorge. Elle acquiesce, ne sachant que dire. Comment réagir. Jamais elle n'aurait imaginer le voir ici. Le voir maintenant. Trop tôt. Et pourtant ses souvenirs lui semblent lointain, comme s'il s'agissait de ceux d'une autre personne. Dans un autre temps. « Et toi ? Je te connaissais plus exigeante dans le choix de tes proies... » Elle hausse les épaules, regardant du côté du groupe de squatters qui continuent de parler et de chanter sans se soucier de ce qu'il se passe à côté, derrière les arbres. Dans l'ombre. C'est toujours dans l'ombre que se cachent les monstres. « Je rendre d'un long voyage. J'ai juste soif. »  dit-elle comme pour expliquer son choix. Elle n'a pas à se justifier, pense-t-elle, mais elle ne peut pas l'empêcher. Elle hésites pas à partir, ou à venir contre lui. Elle aimerait le prendre contre elle, retrouvait tout ce qu'il lui a arraché en partant. Retrouver les émotions, les sentiments, la dépendance. Retrouver l'être qu'elle était. Mais elle est une autre aujourd'hui. Elle n'a plus rien à voir avec ce qu'il a fait d'elle, elle est une autre. Elle appartient à un autre monde.  « Tu m'as manqué. »  Elle relève le regard vers lui. Un aveux, qui la touche sans que son coeur ne puisse réagir.
Elle se perd dans son regard. « Ca fait longtemps que tu es parti. Je pensais ne jamais te revoir. » Avoue-t-elle à son tour. Une manière de lui répondre que lui aussi lui a manqué. Même si elle a continué à avancer, même si elle a trouvé du plaisir dans d'autres étreintes. Un temps. Mais jamais comme avec lui. Elle ne pouvait pas le remplacer. Elle ne chercher même pas à le remplacer. Elle ne voulait que lui. « C'est le hasard j'imagine. La vie est joueuse parfois. Te revoir, soudainement, au milieu de nul part. Improbable. » Dit-elle, amusée par la situation. Piquée par la curiosité, elle se laisse aller à avancer d'un pas. Attirée, aimantée par sa personne, mais encore sur la retenue. Ne sachant que dire, ou que faire. « Que deviens-tu ? »