GROUPE 5 ✝ halloween at the edinburgh dungeon

Ainsley se sentait tellement ridicule accoutrée ainsi qu’elle se jura de ne plus jamais relever de défi lancé par son petit frère. Il ne la connaissait que trop bien, il savait pertinemment qu’elle n’aurait pas résisté à son challenge. Il l’avait provoquée toute la soirée de la veille, arguant qu’elle ne serait pas capable d’aller jusqu’au bout… Et maintenant, où se trouvait-il cet affreux gamin ? Elle peinait à avancer avec ses talons, n’ayant clairement pas l’habitude d’en porter, et elle avait sans arrêt l’impression qu’elle allait trébucher. Forcée de se mouvoir avec des gestes mesurés, elle évitait soigneusement les autres convives du donjon de crainte que l’un d’eux ne la bouscule et qu’elle ne s’étale misérablement au sol. D’un mouvement agacé, elle tira sur ses longs gants noirs pour les remonter, ne sachant finalement que faire de ses mains. Elle n’avait pas de poches, juste cette stupide longue robe noire sans manches venue d’un autre temps. Une copie d’excellente facture, ceci dit, dégotée par un Murray hilare. Il avait même tenu à lui fournir un collier – faux, évidemment, ni l’un ni l’autre n’avait les moyens de se payer une telle œuvre – similaire à celui que portait Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany’s. Afin de montrer qu’elle était capable d’honorer n’importe quel pari, Ainsley avait passé une heure entière à couvrir les tatouages de son buste, ceux qui n’étaient pas dissimulés par les gants ou la robe ; elle portait même des extensions pour l’occasion. Oui, elle avait mis le paquet et elle se retrouvait comme la dernière des cruches. Elle ne connaissait personne à cette fameuse soirée d’Halloween. Kenneth était occupé à chasser avec leur père, et Murray n’était nulle part en vue.

De dépit, donc, elle s’orienta vers la solution à tous ses problèmes. Les boissons alcoolisées. Un serveur passa près d’elle avec un plateau de coupes de champagne et elle s’empressa d’un subtiliser une. En d’autres circonstances, elle n’aurait pas touché à ce genre de choses – à trop fortes doses, ça la rendait nauséeuse et migraineuse – mais elle doutait que la soirée dispose de liqueurs plus convenables à sa situation. Une bouteille de whisky, était-ce trop demander ? Avec un grognement de dépit, elle porta le verre à ses lèvres maquillées, essayant de se mouvoir parmi les invités sans trébucher. Finalement, après ce qui lui parut être un interminable parcours du combattant, elle parvint au buffet. Elle crevait d’envie de balancer ses talons sur quelqu’un, de rentrer chez elle pour s’enivrer jusqu’à oublier ce début de soirée, de redevenir elle-même. Le lourd chignon sur son crâne l’indisposait, elle ne savait pas où poser ce ridicule porte-cigarette et les gants ne cessaient de glisser. C’était stupide. Elle faillit même ne pas prêter attention à l’homme qui s’empiffrait à ses côtés tant elle était exaspérée. Sa coupe de champagne était presque déjà terminée lorsqu’elle le remarqua. Son costume lui semblait être aussi serré et désagréable à porter que le sien ; elle se demanda brièvement à quoi ce type pouvait bien ressembler dans sa vie de tous les jours. Là, avec ses joues imberbes et ses cheveux blonds gominés, il lui faisait plus penser à un gamin aristocrate. Enfin, un gamin d’approximativement son âge, soit la trentaine entamée. Il croisa son regard en enfournant un énième petit-four.

« Y’en a au moins un qui profite de l’occasion, à ce que je vois. »

Elle n’avait pas pu résister. Ses lèvres s’autorisèrent un sourire pincé, un rien amusé. Ainsley n’aurait pas pu le blâmer, à sa place elle aurait probablement agi de la même façon… Ou avec un peu plus de classe, en tout cas. D’un regard distrait, elle détailla la nourriture qui s’étalait sur les longues tables en regrettant de porter des gants. Elle n’allait pas les ruiner en tentant d’attraper une mini-pizza, tout de même. Sa propre réflexion l’étonna : depuis quand se souciait-elle de ça ? Elle n’allait jamais reporter ces vêtements de toute façon. Murray et ses mauvaises blagues ne l’auraient pas une seconde fois. Haussant un sourcil, elle détourna son attention des amuse-gueules pour improviser un début de conversation avec son vis-à-vis. Ses pieds douloureux et son estomac criant famine ne faisaient guère le poids face au charisme du galant. Elle leva son verre à son attention, l’auriculaire légèrement relevé, un sourire poli se communiquant à ses prunelles.

« A la vôtre, monsieur… ? »

Glissant adroitement son porte-cigarette dans sa main qui tenait la coupe de champagne, elle lui tendit la main. Pas pour une poignée virile, mais pour une marque d'attention plus délicate. Elle espérait qu'il connaissait au moins les comportements d'usage dans ce genre d'occasion.